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LES MANIPULATEURS DESTRUCTEURS PERVERS NARCISSIQUES

12 juillet 2012

Apprenez à reconnaître un pervers narcissique

vampireApprenez à reconnaître un pervers narcissique !

 

Un pervers narcissique, ou manipulateur, est un sculpteur confirmé de burn-out chez autrui. S’il est dans votre équipe, il pourra s’attaquer, au choix, à l’un de vos collaborateurs ou à vous-même. A moins qu’il n’utilise son 6ème sens, celui qui lui permet de répondre instinctivement aux besoins enfouis de chacun avant de dégainer l’arme suprême de la culpabilité, pour anéantir l’une après l’autre toutes les personnes un tant soit peu fragiles. Il faut agir avant de lui laisser le champ trop libre, agir avant d’assister aux démissions de vos collaborateurs les plus efficaces et investis, agir avant de ressentir vous-même un malaise trop fort, qui risque fort de vous rendre… moins fort. Apprenez à reconnaître un pervers narcissique dans votre équipe ! Et évitez-vous un burn-out.

Du paradis au burn-out, il n’y a qu’une personnalité…

Un nouvel arrivant dans votre équipe. Il a l’air très bien, ce Monsieur. Très compétente et humainement investie, cette Dame. Vous vous sentez reconnu, compris. Presque fasciné. Il/elle vous valorise et vous encourage à la confidence… que vous ne lui refusez pas, tant le courant passe entre vous. Un courant tout doux, d’abord, qui sans que vous ne compreniez comment, devient progressivement du 220 V bien trempé et finit par vous électrocuter. Le climat, peu à peu, s’éloigne de l’idéal et se fait cauchemardesque. Monsieur, Madame, était ce que l’on appelle un(e) pervers(e) narcissique. Mais vous ne l’aviez pas démasqué(e). Attention risque de burn-out ou de harcèlement  en vue !

Le nombre de ces manipulateurs serait en nette progression ces dernières années. Leur piège est sans pitié : ils se présentent tels que leurs proies souhaitent les voir, résolvant leurs problèmes les plus intimes, avant d’utiliser l’ascendant pris sur leurs victimes pour mieux les dévaloriser, usant et abusant de petites phrases aussi anodines qu’assassines, s’appropriant leurs idées tout en les dénigrant. Cela prend des mois, parfois des années. Le fait est que la personne vous dévore littéralement de l’intérieur. Elle vampirise votre énergie vitale, comme pour y trouver son propre carburant. Les manipulateurs sont des maîtres es burn-out.

Et si vous-même ne succombez pas, c’est peut-être que le pervers manipulateur a choisi une autre victime de son processus destructif. Un collaborateur qui risque sa santé (et c’est toute votre équipe qui en fera les frais !), perdant confiance en lui, devenant irritable, se renfermant sur lui… Un collaborateur très, très proche du burn-out.

Et si les identifier permettait de contrer à temps ces artisans d’épuisement professionnel ?

Un pervers narcissique, pervers ou narcissique ? Ou comment  démasquer  et contrer un manipulateur façonneur de burn-out.

Votre nouvelle recrue vous semble trop parfaite pour être honnête ? Voici, au cas où elles vous parleraient, quelques caractéristiques récurrentes chez les manipulateurs/trices… et des conseils pour parer chacune d’elles.

 1. Il répond très souvent de façon floue : demandez-lui de préciser sa pensée, en rapportant systématiquement vos échanges aux objectifs et plans d’action. Avec un manipulateur, parlez concret. Et, surtout, restez dans un cadre strictement professionnel. Ne vous aventurez surtout pas sur le plan de l’émotionnel ou de l’affectif qui vous mènerait tout droit à la case burn-out (vous ne passeriez même pas par la case départ).

 2.  Son comportement, ses opinions, ses sentiments changent en fonction des situations et des personnes qu’il côtoie : mettez-le face à ses contradictions, quitte à vous servir de mails et autres pièces à conviction comme preuves de son caméléonisme. Dévoilé, son petit jeu se retournera contre lui… il le délaissera vraisemblablement.

3. Sans en avoir l’air, il critique, dévalorise et juge, mettant en doute les qualités et compétences de ses collaborateurs, attaquant leur personnalité : ne gardez en tête que votre propre opinion au sujet des membres de votre équipe. Vous connaissez chacun d’eux, son niveau de performance et sa capacité à traiter tel ou tel dossier. Vos objectifs ne sont pas ceux du manipulateur… qui voudrait pourtant vous faire croire le contraire. Il vous parle (en bien ou en mal) d’un membre de l’équipe ? Demandez-vous ce qu’il a à gagner, lui, en vous donnant cette « information ».

 4. Il est passé maître dans l’art du « diviser et apeurer pour mieux régner » : si votre suspect part en vacances et que l’ambiance devient mystérieusement plus sereine… c’est qu’il n’y a, justement, pas de mystère. Seulement l’absence du colporteur de rumeurs et de méchancetés. L’absence de celui qui sème zizanie et suspicion, stress et angoisses. Plus personne pour dire que le licenciement se prépare et que la boîte est sur le point de couler. Profitez-en pour faire des points réguliers avec l’ensemble de votre équipe, à qui vous pourrez enfin fournir de vraies informations, désamorçant les inquiétudes, sans vous faire contrer aussitôt la réunion terminée. En revenant, il sera malaisé pour le manipulateur de replonger tout le monde, désormais correctement renseigné,  dans ce climat de crainte propice au burn-out.

 5. Il évite les entretiens, s’échappe de réunion, prétextant toujours un rendez-vous de dernière minute chez un client ou des tonnes de travail urgent : souvenez-vous que le manager, c’est vous !!! Rappelez-lui ses obligations par mail et conservez les preuves. Un manipulateur est loin d’être bête : il comprendra assez vite qu’il lui est impossible de se faufiler ainsi, telle une anguille, sans que cela ne lui porte préjudice d’une manière ou d’une autre. Surtout, ne le laissez pas prendre l’ascendant sur vous ! VOUS dirigez. IL doit se plier à cette hiérarchisation des décisions.

6. Mettant en avant l’ignorance (même imaginaire) des autres, il fait croire à sa supériorité : soyez attentif à la manière qu’il a de charger de boulot ses collègues pour en récolter, lui, les fruits. Dévalorisant publiquement un collaborateur qu’il aura mis sous sa coupe, il utilise son travail (qu’il critique par ailleurs) pour se mettre en lumière. En tant que manager, vous devez repérer ce genre de comportement pour éviter que soit harcelé moralement l’un des membres de votre équipe ou qu’il fasse un burn-out!

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12 juillet 2012

Descente en enfer....

burn_out_pervers_narcissique_595x220La relation entre un pervers narcissique et sa victime déclenche beaucoup de souffrance chez cette dernière. Cette expérience est un traumatisme dont il est difficile mais possible de se remettre.

Vous êtes une personne douée, cherchant à donner le meilleur de vous même, sincère généreuse, dévouée, séduisante, aimant exprimer votre joie de vivre, pleine d'énergie, honnête, aimante, gentille, cherchant à consoler, à réparer, voire à soigner. Vous connaissez et voyez beaucoup de monde, très sociable...

Puis un jour, vous rencontrez un partenaire séduisant, charmant, paraissant gentil, plein de compassion et d'humour , s'intéressant à vous. Il vous décrit comme la personne idéale, il n'a jamais autant aimé quelqu'un. Il mime vos attitudes, vos pensées afin de donner l'illusion d'un accord parfait.

Il est prêt à tout pour vous, vous promettant de vous faire vivre vos fantasmes, voire vous en créant. Il vous fait plein de promesses que vous ne verrez jamais. Vous êtes alors la Femme de sa vie. Vous y croyez. Enfin, vous avez rencontré le partenaire de votre vie. Vous êtes "ferrée".

Peu à peu, de manière insidieuse, sans que vous ne vous en rendiez compte, il commence à restreindre votre entourage : « Je ne te vois pas assez, tu ne pourrais pas annuler ta soirée pour que l'on se voit ? ». Et pour lui faire plaisir, et parce que vous l'aimez, vous voyez de moins en moins vos amis pour le voir plus souvent.

Ensuite, commencent les scènes (souvent en rapport avec la jalousie) : il vous reproche n'importe quoi, alors que vous n'avez rien fait, mais il a la perversion de vous faire culpabiliser, de vous rendre responsable de la scène qu'il vous a faite. Et vous, l'idéalisant et ne comprenant pas trop bien la situation, vous culpabilisez. En effet, c'est peut-être de votre faute, vous n'avez peut-être pas eu la bonne attitude.

Puis ces scènes deviennent de plus en plus fréquentes, vous culpabilisez de plus en plus. Parfois, vous avez en retour une attitude qui ne vous correspond pas, engendrée par la colère que vous pouvez éprouver de l'injustice de cette "agression émotionnelle", et alors, c'est cette attitude qui vous sera reprochée, l'origine de la scène (de son fait et infondée) passera outre, si vous essayez d'en parler, il niera, disant que vous affabulez et se placera lui-même en victime innocente. De même, si vous lui reprochez quelque chose, il se mettra en colère, disant que vous lui reprochez ce que vous-même faites ou êtes.

C'est le roi du mensonge et il niera l'évidence avec un aplomb déconcertant.pervers narcissique. Tout cela se fait doucement, sournoisement, en spirale, vous ne pouvez en parler à personne car il est charmant avec le reste de son entourage, avec vos connaissances communes et l'on ne vous croira pas.

Peu à peu, vous ne voyez plus vos amis sinon c'est une scène de plus, il est votre seul monde, et ce monde s'effondre à chaque dispute. Il ne vous reste alors plus rien, plus de raison de vivre, vous perdez votre personnalité, vous n'êtes plus vous-même, complètement inhibé par cette relation. Vous perdez votre assurance et vous vous mettez à avoir une image négative de vous-même tant il vous dévalorise.

Vous vous enfoncez dans un trou dont vous ne savez pas comment sortir, et quand il revient après ces scènes qui ont très souvent un caractère de rupture définitive, il est à nouveau charmant, séduisant, aimant, vous disant qu'il va changer.

De plus, il vous apparaît comme votre sauveur, car il vous a tellement enfoncé, dévalorisé, "vampirisé", que vous vous sentez incapable d'avoir une relation avec une autre personne, tellement détruit que vous ne pouvez penser que quelqu'un d'autre puisse s'intéresser à vous. Et pour cela, vous acceptez son retour presque avec joie.

Vous entrez alors doucement dans la tristesse, l'inhibition complète qui va aller en s'aggravant, vous vivez un stress chronique, craignant à chaque instant une nouvelle scène infondée. Cela peut vous mener à la dépression, à la mélancolie, à des comportements addictifs, à l'automutilation, voire dans les cas extrêmes, au suicide.

Vous pouvez aussi souffrir de manière somatique : ulcération de l'estomac, troubles digestifs, insomnies, fatigue et perte de poids chronique.

Vous êtes la Victime d'un Bourreau, un Pervers Narcissique... La seule solution pour sortir de cette situation est la fuite, la rupture, car un Pervers Narcissique ne guérit pas, ne change jamais, quoi que vous fassiez. Il sera alors très blessé car vous avez terni son image, et il risque de vouloir se venger, même des années après.

Il est très difficile de quitter un Pervers Narcissique, aussi faut-il se faire aider par un thérapeute avisé, une relation telle que celle-ci étant un véritable traumatisme. Il faudra aussi rééquilibrer les désordres biologiques et traiter les souffrances du corps.

On peut aussi rencontrer ce Pervers Narcissique dans le monde du travail : c'est un chef qui va choisir un de ses subordonnés comme victime, et celle-ci sera victime de harcèlement moral intense. Comme il sera, là aussi, charmant avec tout le reste du personnel, la victime ne pourra obtenir de témoignage de ses collègues car il ne fera ses dommages que quand l'employé visé sera seul. La seule solution pour ce dernier est soit obtenir un licenciement, soit démissionner.

Lorsque ces faits se passent à huis clos, il est difficile de prouver ce que la victime subit. Il ne faut pas avoir honte de parler, d'alerter son médecin et les instances compétentes... Surtout ne jamais s'isoler, parler.
La meilleure solution reste de ne pas rester, de partir.
12 juillet 2012

Ruses, stratégies et tactiques des pervers narcissiques

pervers_narcissiqueLe pervers a en général beaucoup d’imagination, et il est difficile de recenser, ici, les milliers de ruses et tactiques, dont il dispose dans son arsenal.

 Séduction, jeu sur les apparences

Contrairement au pervers de caractère, qui irrite son entourage par ses revendications et nie radicalement l’autre, le pervers narcissique, lui, réussit à créer un élan positif envers lui. Comme toute personne manipulatrice, il sait se rendre aimable. Il change de masque suivant les besoins, tantôt séducteur paré de toutes les qualités, tantôt victime faible et innocente. Il a un souci scrupuleux des apparences, donnant le plus souvent l’image, valorisante pour son ego, d’une personne parfaite, image qui cache son absence d’émotion, d’amour, de sincérité et d’intérêt pour tout ce qui n’est pas lui. Il ne s’intéresse pas à la réalité, tout est pour lui jeu d’apparences et de manipulation de l’autre. Il excelle à susciter, amplifier et faire alterner chez l’autre regrets et peurs.

Dissimulation

Le pervers agit à l’abri des regards. Les maltraitances sont rarement sous le feu des projecteurs, mais plutôt perpétrées dans le secret des alcôves. Les pervers sont les professionnels de la double vie et de la double personnalité.

Mimétisme

Ce sont de véritables caméléons, aptes à mimer les attitudes et les paroles de son interlocuteur pour susciter chez lui l’illusion d’un accord parfait, d’une entente exceptionnelle qui ne cesse de s’approfondir. Le mimétisme est d’ailleurs l’une des techniques employée par la Programmation neuro-linguistique.

Diviser, cloisonner ses relations

Par prudence, il divisera et cloisonnera ses relations, afin qu’on ne puisse pas recouper ses mensonges ou que ses victimes ne risquent pas de se s’allier contre lui. Sa technique, dans ce domaine, finit par être magistrale.

Vous encenser pour mieux vous couler

Il commence par vous encenser. Vous êtes le meilleur, le plus doué, le plus cultivé… Personne d’autre que vous ne compte pour lui (il n’hésite d’ailleurs pas à dire la même chose successivement à plusieurs personnes). Ces éloges et ces protestations d’attachement lui permettent de mieux « vous couler » ensuite en jouant sur l’effet de surprise, et de vous atteindre d’autant plus que vous ne vous attendiez pas à l’attaque et qu’il a en outre pris soin de choisir précisément le moment où vous pouviez le moins vous y attendre.

 Se valoriser sans cesse et dévaloriser l’autre

Les narcissescherchent à évoluer sous les feux de la rampe, à choisir des situations où d’autres pourront les admirer. Ils veulent capter l’attention de leurs semblables qu’ils considèrent, par ailleurs, comme de simples faire-valoir, victimes potentielles qu’ils n’hésiteront pas à critiquer en public, souvent insidieusement.

 Le principe d’autorité

Il utilise son pouvoir de séduction, ses talents de comédien, son apparence de sérieux, toutes les facettes de ses « personnalités » pour s’imposer. Il aime arrêter toute discussion par quelque phrase définitive, utilisant le principe d’autorité : « Je suis malade ! », ou bien « Tu te rends compte de ce que tu me demandes ! », « Je ne peux pas discuter avec toi pour l’instant, tu vois bien que je suis pris ».

L’induction (suggérer l’idée à l’autre)
La grande force du pervers narcissique est l’art de l’induction.

Il s’applique à provoquer chez l’autre des sentiments, des réactions, des actes, ou, au contraire, à les inhiber. Il fonctionne en quelque sorte comme un magicien maléfique, un hypnotiseur abusif, utilisant successivement injonctions et séduction. Evitant d’exprimer à l’autre ce qu’il pense, de l’éclairer sur ses intentions, il procède par allusion, sans jamais se compromettre. Pour mieux duper, il suscite chez l’autre un intérêt pour ce qui va faire l’objet de la duperie, qu’il va rendre aussi alléchant que possible sans jamais en parler ouvertement. Etalant connaissances, savoir, certitudes, il va pousser l’autre à vouloir en savoir plus, à convoiter l’objet en question et à exprimer son désir de se l’approprier .

Il procède de la même façon s’il a l’intention a priori de refuser quelque chose. L’autre, qui n’avait pas l’idée de demander quoi que ce soit, va se sentir pris à contre-pied sans savoir exactement pourquoi : il se promettra alors de ne jamais demander quelque chose, il doutera de sa propre honnêteté, ou même se sentira suspect, entrant inconsciemment dans le jeu du pervers narcissique. Ce dernier, pour prendre l’ascendant sur sa « victime », assortira volontiers son discours d’un message moralisateur et s’affichera comme un être « noble et pur », contraignant l’autre qui ne veut pas être repoussé à s’identifier à cette morale, que cela soit dans l’acceptation ou le refus de la chose suggérée.
Faisant parler le pervers narcissique, Alberto Eiguer écrit : « Il faudrait que vous agissiez de sorte qu’il ne reste aucun doute que vous êtes moi… et que tout ce que vous faites, dites ou éprouvez, confirme que je suis le seul, moi, le plus grand et cela même au prix de votre propre disqualification ». On touche ici au fondement de l’induction narcissique.

 Contradictions ou contradictions apparentes

 Un jour, relâchant sa vigilance, content et fier de son coup, le pervers narcissique pourra même se vanter auprès de tiers auxquels il prête ses propres pensées, de son succès, l’autre l’avait mérité, puisqu’il « n’avait qu’à ne pas être si bête et si naïf». Mais même quand les contradictions de son comportement éclatent semant alors le doute sur sa personnalité, ses intentions ou sa sincérité, il parvient le plus souvent à rattraper ses erreurs et à restaurer la belle image de lui-même qu’il a laissée se fissurer par manque de prudence. Il affirmera alors, par exemple, qu’il a plaisanté et qu’il ne cherchait qu’à tester son interlocuteur. La plupart du temps, on lui pardonnera malgré tout, parce qu’il sait se rendre sympathique et surtout parce qu’il a toujours une explication pour justifier un comportement soudain contradictoire. L’erreur « désastreuse » sera mise sur le compte d’une faiblesse momentanée, d’une fatigue, d’un surmenage, d’une maladie. Finalement, on se dira que toute personne « parfaite » est faillible.

 « Le pervers narcissique, […] aime la controverse. Il est capable de soutenir un point de vue un jour et de défendre les idées inverses le lendemain, juste pour faire rebondir la discussion ou, délibérément, pour choquer. » (Marie-France Hirogoyen, Le Harcèlement moral, page 108)

Emploi de messages paradoxaux

Le pervers narcissique se complaît dans l’ambiguïté. Par ses messages paradoxaux, doubles, obscurs, il bloque la communication et place sa victime dans l’impossibilité de fournir des réponses appropriées, puisqu’elle ne peut comprendre la situation. Elle s’épuise à trouver des solutions qui seront par définition inadaptées et rejetées par le pervers dont elle va susciter les critiques et les reproches. Complètement déroutée, elle sombrera dans l’angoisse ou la dépression (voir Marie-France Hirigoyen, « Le Harcèlement Moral », « La communication perverse », p. 111).

 Calomnies et insinuations

« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! » (Beaumarchais).

 Le pervers narcissique a le talent de diffamer sans avoir l’air d’y toucher, prudemment, en donnant l’apparence de l’objectivité et du plus grand sérieux, comme s’il ne faisait que rapporter des paroles qui ne sont pas les siennes. Souvent il ne porte pas d’accusation claire, mais se contente d’allusions voilées, insidieuses. À la longue, il réussira à semer le doute, sans avoir jamais prononcé une phrase qui pourrait le faire tomber sous le coup d’une accusation de diffamation. Il usera du pouvoir de la répétition et ne cessera pas de semer le doute sur l’honnêteté, sur les intentions de l’adversaire qu’il veut abattre s’appuyant sur la tendance humaine à croire « qu’il n’y a pas de fumée sans feu ».

Fausse modestie

Lors de l’utilisation de la technique de l’induction (voir plus haut), il se présente bien volontiers comme une personne modeste, n’osant pas proposer ses solutions ou l’objet de sa duperie (l’appât), l’objet qu’il veut soumettre à la convoitise de l’autre. Comme un rusé paysan, il est capable parfois de se faire passer pour bête et naïf, prêchant le faux pour savoir le vrai. Un très bon moyen de guerre psychologique pour tirer les vers du nez d’une personne trop pleine de certitudes.

Confusion des limites entre soi et l’autre

Le pervers narcissique n’établit pas de limites entre soi et l’autre. Il incorpore les qualités de l’autre, se les attribue pour pallier les faiblesses de sa véritable personnalité et se donner une apparence grandiose. Ces qualités qu’il s’approprie, il les dénie à leur véritable possesseur, cela fait partie intégrante de sa stratégie de la séduction. « La séduction perverse se fait en utilisant les instincts protecteurs de l’autre. Cette séduction est narcissique : il s’agit de chercher dans l’autre l’unique objet de sa fascination, à savoir l’image aimable de soi. Par une séduction à sens unique, le pervers narcissique cherche à fasciner sans se laisser prendre. Pour J. Baudrillard, la séduction conjure la réalité et manipule les apparences. Elle n’est pas énergie, elle est de l’ordre des signes et des rituels et de leur usage maléfique. La séduction narcissique rend confus, efface les limites de ce qui est soi et de ce qui est autre. On n’est pas là dans le registre de l’aliénation – comme dans l’idéalisation amoureuse où, pour maintenir la passion, on se refuse à voir les défauts ou les défaillances de l’autre -, mais dans le registre de l’incorporation dans le but de détruire. La présence de l’autre est vécue comme une menace, pas comme une complémentarité. » (Marie-France Hirigoyen, Le Harcèlement Moral, p. 94).

Utilisation de fausses vérités énormes ou crédibles

La communication perverse est au service de cette stratégie. Elle est d’abord faite de fausses vérités. Par la suite, dans le conflit ouvert, elle fait un recours manifeste, sans honte, au mensonge le plus grossier.

« Quoi que l’on dise, les pervers trouvent toujours un moyen d’avoir raison, d’autant que la victime est déjà déstabilisée et n’éprouve, au contraire de son agresseur, aucun plaisir à la polémique. Le trouble induit chez la victime est la conséquence de la confusion permanente entre la vérité et le mensonge. Le mensonge chez les pervers narcissiques ne devient direct que lors de la phase de destruction, comme nous pourrons le voir dans le chapitre suivant. C’est alors un mensonge au mépris de toute évidence. C’est surtout et avant tout un mensonge convaincu qui convainc l’autre. Quelle que soit l’énormité du mensonge, le pervers s’y accroche et finit par convaincre l’autre. Vérité ou mensonge, cela importe peu pour les pervers : ce qui est vrai est ce qu’ils disent dans l’instant. Ces falsifications de la vérité sont parfois très proches d’une construction délirante. Tout message qui n’est pas formulé explicitement, même s’il transparaît, ne doit pas être pris en compte par l’interlocuteur. Puisqu’il n’y a pas de trace objective, cela n’existe pas. Le mensonge correspond simplement à un besoin d’ignorer ce qui va à l’encontre de son intérêt narcissique. C’est ainsi que l’on voit les pervers entourer leur histoire d’un grand mystère qui induit une croyance chez l’autre sans que rien n’ait été dit : cacher pour montrer sans dire. » (Marie-France Hirigoyen, Le Harcèlement moral, page 94)

Il use d’un luxe de détails pour éteindre la vigilance de ses proches. « Plus le mensonge est gros, plus on a envie d’y croire. »

Se poser en victime

Lors des séparations, les pervers se posent en victimes abandonnées, ce qui leur donne le beau rôle et leur permet de séduire un autre partenaire, consolateur. Il peut se faire passer pour faible, pour le « chien perdu sans collier », prendre la mine de chien battu, les yeux tristes, dont voudront alors justement s’occuper les femmes maternelles, dévouées, celles ayant une vocation de dame patronnesse, celles n’existant que par le dévouement à autrui, celles qui deviendront souvent leurs future victime. Cela afin de mieux faire tomber dans ses filets.

Il a d’ailleurs un talent fou pour se faire passer pour une victime. Comme il a un talent fou, pour se faire passer pour malade ou irresponsable ou tirer profit d’une maladie (imaginaire ou réelle), d’un accident, user ou abuser d’un handicap réel etc.

 Création d’une relation de dépendance

L’autre n’a d’existence que dans la mesure où il reste dans la position de double qui lui est assignée. Il s’agit d’annihiler, de nier toute différence. L’agresseur établit cette relation d’influence pour son propre bénéfice et au détriment des intérêts de l’autre. « La relation à l’autre se place dans le registre de la dépendance, dépendance qui est attribuée à la victime, mais que projette le pervers [sur l’autre]. A chaque fois que le pervers narcissique exprime consciemment des besoins de dépendance, il s’arrange pour qu’on ne puisse pas le satisfaire : soit la demande dépasse les capacités de l’autre et le pervers en profite pour pointer son impuissance [celle de sa victime], soit la demande est faite à un moment où l’on ne peut y répondre. Il sollicite le rejet car cela le rassure de voir que la vie est pour lui exactement comme il avait toujours su qu’elle était » (Marie-France Hirigoyen, « Le Harcèlement Moral », page 115).

 Inhiber la pensée critique de la victime

Lors de la phase d’emprise, la tactique du pervers narcissique est essentiellement d’inhiber la pensée critique de sa victime. Dans la phase suivante, il provoque en elle des sentiments, des actes, des réactions, par des mécanismes d’injonction ou d’induction. « Si l’autre a suffisamment de défenses perverses pour jouer le jeu de la surenchère, il se met en place une lutte perverse qui ne se terminera que par la reddition du moins pervers des deux. Le pervers essaie de pousser sa victime à agir contre lui (et à la faire agir d’une façon perverse) pour ensuite la dénoncer comme « mauvaise ». Ce qui importe, c’est que la victime paraisse responsable de ce qui lui arrive ». (Marie-France Hirigoyen, « Le Harcèlement Moral », page 122).

Le plus dur pour la victime est de ne pas rentrer dans le jeu, en particulier le jeux des conflits artificiels, provoqués par le pervers.

Tactique du harcèlement moral pervers

Isoler quelqu’un, refuser toute communication, ne pas lui transmettre de consignes, multiplier les brimades, ne pas lui donner de travail ou un travail humiliant, au contraire, lui donner trop de travail ou un travail largement au dessus de ses compétences etc… les cas de figure du harcèlement moral, du bizutage ou du mobbing, telles sont les tactiques du harcèlement moral, pouvant se décliner à l’infini. Selon la définition la plus courante « Le harcèlement moral est un ensemble de conduites et de pratiques qui se caractérisent par la systématisation, la durée et la répétition d’atteintes à la personne ou à la personnalité, par tous les moyens relatifs au travail, ses relations, son organisation, ses contenus, ses conditions, ses outils, en les détournant de leur finalité, infligeant ainsi, consciemment ou inconsciemment, une souffrance intense afin de nuire, d’éliminer, voire de détruire. Il peut s’exercer entre hiérarchiques et subordonnés, de façon descendante ou remontante, mais aussi entre collègues, de façon latérale ».

Tactiques ultimes (sur le point d’être confondu)

Si un emballement peut conduire le pervers narcissique à commettre des actes de violence, il évite soigneusement de se faire « emballer » par la police et la justice. Pour cela, il maîtrise l’art de « l’emballage » des faits dans le discours. Pour paraphraser Philinte, dans « Le Misanthrope » : « Toujours, en termes convaincants, ses dénégations sont dites ». Acculé, il peut se faire passer pour fou, irresponsable de ses actes, car on sait que les fous peuvent tout se permettre (article 122-1 du nouveau code pénal).



Source: http://profil-pervers-narcissique.blogspot.ca

12 juillet 2012

Portrait du manipulateur

vampire-eyes-smLe Manipulateur est intimement persuadé d’être « différent » du reste de la population. Convaincu d’avoir en main des capacités physiques et psychiques « supérieurs » à ses chers compatriotes, il se sent naturellement beau et doté d’une intelligence sans précédent. Il a besoin de se sentir admiré, voir jalousé, pour exister. Se sentant incompris et jugé injustement par ceux qui ne savent pas reconnaître l’être fantastique qui sommeille en lui, il n’aura de cesse de cultiver une certaine  « introversion » qu’il alternera avec un comportement extraverti, afin de mieux attirer l’attention sur LUI.

 
Le Manipulateur a donc un souci majeur dans sa vie : PLAIRE ! Ainsi, il va redoubler d’imagination pour s’attirer la sympathie de son entourage. Certains adopteront le costume d’une personne sûr d’elle, inspirant confiance et sécurité. D’autres en revanche miseront sur une timidité touchante qui réveillera en vous l’envie de réconforter. Bref, tous les moyens sont bons pour SE FAIRE REMARQUER ! 
 
Le Manipulateur veut marquer les esprits, et ne conçoit pas que son entourage puisse échapper à l’être exceptionnel qu’il incarne. Il se façonnera alors, dans la quasi-totalité des cas, l’image d’une personne chaleureuse et serviable, simple et équilibrée, à l’écoute des autres. Il pourra même aller jusqu’à faire carrière dans le social ou l’humanitaire ! Malheureusement pour lui, il n’aura pas pour autant de véritables amis. Bizarre…
 
Ils mentent sans cesse, aux autres et à eux-mêmes, sans toujours distinguer la barrière entre ce qui est vrai et fictif d’ailleurs. Ainsi, certains d’entre eux sont de véritables mythomanes.
 
Un Manipulateur ne sait pas aimer. Il ne sait pas non plus ce qu’est la tristesse, la compassion… Il ne ressent que désir, envie, colère.
 
Et oui, un Manipulateur est loin d’être inoffensif, bien au contraire. Véritable prédateur, il va partir chasser ce qu’il déteste le plus : l’amour, la générosité, la joie de vivre… 
Il va déployer une énergie considérable à pomper toutes ces qualités chez les autres. Il procède à une sorte « d’échange » entre ses propres traits de personnalité qu’il s’efforce de masquer pour mieux piéger ses proies (d’où l’importance de contrôler parfaitement les apparences), et les qualités des personnes qu’il courtise.
 Pour se faire, il devra nouer des rapports privilégiés avec sa victime, afin de pouvoir se dévoiler tel qu’il est, à l’ombre des regards… N’ayant aucune valeur morale ni le moindre soupçon de fierté, il sera capable des pires coups bas pour arriver à ses fins. La souffrance que ces derniers occasionneront chez la victime procurera à notre Manipulateur un PLAISIR JOUISSIF.
Un Manipulateur n’éprouvera jamais de regrets, de honte, ni de culpabilité vis-à-vis de ses actes. Il s’identifie à une victime continuellement persécutée, statut qui, selon lui, justifie amplement ses moindres faits et gestes.
 Il a conscience de sa perversion, mais ne cesse de se persuader qu’il est en droit de l’appliquer.
 De ce fait, il se libère de ses responsabilités qu’il attribue aux autres. 
Ainsi, un Manipulateur violent minimisera systématiquement son comportement, fruit selon lui d’une attitude inadmissible de la part de son compagnon qui l’a « poussé à bout »… En revanche, le Manipulateur n’a pas conscience de la véritable motivation qui le pousse à manipuler, cette dernière étant la volonté de combler à tout prix son vide intérieur, celui là même qui le fait tant souffrir et qui, paradoxalement, le pousse à aller de l’avant…
Le Manipulateur est jaloux et envieux. Votre supériorité lui est insupportable. Il n’hésite toutefois pas à utiliser la flatterie pour mieux vous manipuler.
 
Le Manipulateur  est moralisateur. C’est un donneur de leçons. Il sait tout, mieux que tout le monde.
 
Le Manipulateur  juge, critique et dévalorise constamment son entourage. Il aime montrer du doigt les faiblesses et les défauts d’autrui. Les membres de sa famille n’échappent pas à la règle (au contraire).
 
Le Manipulateur  est pessimiste de nature.
 
Le Manipulateur ment Et il ment bien.
 
Il aime faire miroiter, promettre. Sans suite.
 
En rejetant systématiquement la faute sur l’autre, le Manipulateur  installe le doute, la confusion. Un processus d’autodépréciation se met alors en place chez la Victime. Lui, pendant ce temps, se délecte. Il observe le naufrage, regarde l’autre s’engluer dans la culpabilité et en tire un plaisir jouissif.
Le manipulateur pervers est-il conscient de son sadisme ? 
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la réponse est… NON ! Lors de  nombreuses recherches, j’ai été abasourdie de constater qu’il n’existait aucun témoignage de Manipulateurs pervers. Des témoignages de victimes, oui ! Mais de Manipulateurs pervers, non. Rien.
 Ce n’est pas compliqué : le Manipulateur pervers n’a tout simplement pas conscience de sa perversité. 
 
Son "truc" ? Rendre l’autre responsable de tout ce qui lui arrive. Pourquoi éprouverait-il des remords à vous détruire, alors que tout est votre faute ! En inversant la situation, en se positionnant comme victime, il se déresponsabilise et échappe ainsi à la culpabilité (le tout, inconsciemment ). Certains Manipulateurs pervers vont même jusqu’à mettre en place ce qu’on appelle un processus de projection : c’est ainsi qu’ils vous reprocheront (en toute sincérité et sans le moindre scrupule) ce qu’ils font eux-mêmes. 
 
 
Le Manipulateur est narcissique , au sens du Narcisse d'Ovide, est quelqu'un qui croit se trouver en regardant dans le miroir. Sa vie consiste à chercher son reflet dans le regard des autres. Un Narcisse est une coque vide qui n'a pas d'existence propre 
 
C'est quelqu'un qui n'a jamais été reconnu comme être humain et qui a été obligé de se construire un jeu de miroirs pour se donner l'illusion d'exister  Sa victime n'est pas un individu autre, mais seulement un reflet .
 
Comment peut-on être à ce point cruel, insensible, intraitable, glacial ? 
Pour éviter de s’émouvoir, le manipulateur pervers vous chosifie, vous réduit à la position d’objet. Vous devenez son jouet. Etiqueté. Catalogué. Vous n’avez plus d’existence en soi.
12 juillet 2012

Narcissisme destructeur et identification projective- Thierry Simonelli

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1.1. Une ambiguïté dans la conception freudienne du narcissisme.

Malgré la porté clinique importante de la découverte de la pulsion de mort et des pulsions destructrices, Freud ne semble pas voir de rapport immédiat entre pulsion de mort et narcissisme. Nulle part, il ne rapporte les résistances des états narcissiques à l’inertie psychique et aux réactions thérapeutiques négatives. Rosenfeld suppose que cela tient au fait que pour Freud, le narcissisme primaire était dépourvu d’objet. Ainsi, la résistance d’un retour au narcissisme primaire lui semble différent de la réaction thérapeutique négative, issue des pulsions destructrices.

Il faut remarquer toutefois, dans Pulsions et Destins de pulsions, Freud entrevoit le lien intime qu’il pourrait y avoir entre le narcissisme primaire et la haine : « Avec l’entrée de l’objet dans le stade du narcissisme primaire, on parvient aussi à la formation du deuxième sens opposé à aimer : haïr. » Dans le même article, Freud remarque que de ce fait, on pourrait s’imaginer le premier rapport à l’objet comme teinté de haine. Dans la relation à l’objet la haine « est plus ancienne que l’amour ; elle provient du refus originaire que le moi narcissique oppose au monde extérieur qui prodigue les excitations. »

1.2. Les développements de Karl Abraham

Abraham fournit une analyse plus poussée du transfert négatif, notamment en relation avec les patients narcissiques. En 1919 – « Über eine besondere Form des neurotischen Widerstandes gegen die Psychoanalytische Methodik » (Gesammelte Schriften Bd. 1) – il esquisse une forme de résistance particulière qui s’exprime par la supériorité hautaine, la distance, l’hostilité et la méfiance. (En allemand : « ein ungewöhnliches Maß von Trotz » qui s’articule au sentiment d’être humilié et abaisse (gedemütigt) par toute remarque de l’analyste.)

Cette disposition ne se manifeste néanmoins pas nécessairement au grand jour ; le plus souvent, elle se cache derrière une ardeur apparente à coopérer. Abraham attribue ces phénomènes au narcissisme, un narcissisme qui incite ces patients à inverser le rôle de l’analyste et du patient (« [...] die Neigung sich mit dem Arzt zu identifizieren. Anstatt ihm persönlich näherzukommen, versetzen sie sich an seine Stelle. [...] Sie neigen zum Tausch der Rollen, wie das Kind den Vater spielt », p. 279). Selon Abraham, il existe une composante évidente d’envie (Neid) dans ce narcissisme, ainsi que la volonté de surtout tout faire par soi-même (« alles selbst und allein zu machen »). Cette tendance s’accompagne d’un dédain (Geringschätzung) non moins évident de l’analyste.

Ainsi, selon Rosenfeld, Abraham a explicitement dégagé la pertinence théorique et clinique de l’idée d’une articulation du narcissisme et de l’agressivité. Toutefois, il a omis de rapporter le narcissisme à la pulsion de mort.

1.3. La position particulière de Reich

Reich, récuse l’idée freudienne de la pulsion de mort. Toutefois, il remarque également la disposition méfiante et critique particulière de certains patients. Dans ses descriptions de l’armature caractérielle (Charakterpanzer, charakterlicher Panzer, à cuirasse, carapace, mais également: char d’assaut W. Reich, Charakteranalyse, 1997 [1933], Kiepenheuer und Witsch, p. 200-206), Reich souligne également leur attitude hautaine, ironique et envieuse. Ces patients réussissent souvent à faire en sorte que l’analyste se sente inutile, inférieur et impuissant. En décrivant son travail avec un tel patient, Reich souligne son « agressivité réprimée [...], dont la manifestation la plus extrême jusqu’alors avait été les souhaits de mort ». Malgré son refus de la pulsion de mort, et Reich se voit contraint de souscrire aux descriptions de Abraham à partir de son expérience clinique.

1.4. Les avancées de Mélanie Klein

Mélanie Klein a été la première à accepter le renversement profond de la deuxième topique. L’ensemble de son approche se fonde sur l’opposition entre pulsions de mort et pulsions libidinales. Selon Rosenfeld, le mérite lui revient également d’avoir été la première à mettre en lumière le rôle fondamental de l’envie dans le transfert négatif.

Rappel : Envie, avidité, et jalousie selon Mélaine Klein (« Envy and Gratitude », 1957, pp.176-235) :

L’avidité (greed) est un désir impétueux et insatiable qui excède aussi bien les besoins de la personne avide que ce que l’objet peut et veut donner. Sur le plan inconscient, fantasmatique, l’avidité correspond à la tentative de complètement vider le sein maternel et de le remplir ensuite par de mauvais objets. L’avidité cherche la destruction de la créativité de l’autre.

L’envie est une expression orale-sadique ou anale sadique des pulsions destructrices. L’envie représente le sentiment de colère ou de rage face à une autre personne supposée posséder et jouir de quelque chose de désirable. L’impulsion envieuse vise à lui enlever ce quelque chose et à le gâcher, l’empoisonner, le détruire.

La jalousie, quant à elle, se fonde sur l’envie, avec la différence qu’elle se tient dans un rapport entre deux personnes, au moins. La personne jalouse s’intéresse principalement à l’amour d’une autre personne, ressenti comme son dû, comme ce dû dont elle a été privée par un rival.

L’image emblématique de l’envie est celle du bébé qui envie le sein maternel – le bon objet – du fait qu’il s’en sent dépendant et surtout incapable de jamais pouvoir l’égaler. L’envie peut se suffire d’une seule personne : la personne envieuse.

Illustration clinique de l’envie : l’analyste a formulé une interprétation ayant eu un effet sensiblement bénéfique sur l’analysant en le calmant, en allégeant son angoisse ou en changeant son humeur de manière positive. Chez certains analysants, on constate alors un renversement rapide de la situation. L’interprétation secourable devient rapidement l’objet de critiques acerbes et d’un rejet violent. L’analysant envieux en veut à l’analyste pour cette interprétation et peut essayer de toutes ses forces de le rabaisser.

La différence entre envie et avidité serait que l’envie se sustente principalement de mécanismes de projection alors que l’avidité repose en premier lieu sur des mécanismes d’introjection.

 Selon Rosenfeld, Mélanie Klein apporte une réflexion originale sur le narcissisme. Tout narcissisme se déterminé par le rapport à un objet introjecté, idéalisé qui, sur le plan du fantasme, constitue une partie de soi ou du corps propre. Ainsi, l’état narcissique se caractérise par un retrait de l’investissement des objets externes vers les objets fantasmatiques internes.

Dans son travail avec les enfants, Mélanie Klein a observé comme une constante psychique dans l’attitude des enfants à vouloir en même temps détruire et préserver leurs objets. C’était pour elle la preuve de la pertinence clinique de l’opposition pulsions de mort/pulsions de vie. Fidèle à Freud, Mélanie Klein pense que les pulsions de mort constituent une tendance immanente à la désunion, à la séparation et au clivage, alors que les pulsions libidinales tendent vers l’union, la synthèse et l’assemblement. Les premières angoisses naissent de l’angoisse de l’éclatement, de la mise en pièces d’un Moi faible en état de non-intégration (≠ désintégration ; Winnicott).

Dans son travail clinique, elle s’est rendu compte que seule l’analyse du transfert négatif pouvait donner lieu à une analyse subséquente des couches plus profondes de l’inconscient[1]. Ce faisant, elle a pu se rendre à l’évidence que l’envie constitue l’une des modes d’expression de la pulsion de mort. L’enfant ressent de l’envie à l’égard de sa mère qui possède tout ce qu’il peut souhaiter, mais qui lui reste désespérément inaccessible. L’envie est donc accompagnée d’un sentiment de dépendance et d’insuffisance.

Or, cette envie se manifeste également chez des patients narcissiques, dans le transfert, à l’égard de leur analyste. Plus généralement, l’envie inconsciente peut contribuer à tout transfert négatif. Elle est l’un des moteurs les plus puissants de la réaction thérapeutique négative.

2. Première conception de la psychopathologie du narcissisme

La première analyse du narcissisme pathologique chez Rosenfeld date de 1963[2].

L’une des caractéristiques majeures des relations d’objet narcissiques consiste dans l’identification projective ou l’identification introjective toute-puissante, c’est-à-dire dans la suppression de la séparation entre la personne et ses objets. La visée en est la scotomisation des pulsions agressives et surtout de l’envie. Les défenses du narcissisme s’opposent donc principalement aux angoisses paranoïdes.

Au cours de l’analyse, la personne narcissique se montre incapable d’accepter l’aide de l’analyste et la dépendance que cela signifierait pour elle. Le narcissique a tendance à soustraire le sens aux mots de l’analyste afin de les rendre insignifiants afin se les approprier ainsi et de les faire contribuer à son sentiment de supériorité.

Une variante de cette défense s’observe chez des patients hautement intelligents qui refusent toute interprétation et ne cessent de développer toutes sortes de théories subtiles de leur côté ; théories qui contribuent à leur sentiment de supériorité toute-puissante. Rosenfeld observe que ces personnes se montrent convaincues d’être en possession de tout ce qui est bien. Inversement, sur le plan du fantasme, la relation à l’analyste apparaît comme rapport à un dépôt de tous les mauvais objets, des pulsions agressives, haineuses. Ce qui chez l’analysant se manifeste de déplaisant doit pouvoir être déchargé sur l’analyste. De cette manière, le narcissique parvient à se protéger contre son envie de l’analyste.

En rabaissant et en dénigrant l’analyste, la personne narcissique essaye de se défendre de voir dans l’analyste la « mère nourricière » qui suscite son envie. Et c’est en interdisant à l’analyste de devenir l’objet de son envie, qu’il parvient gérer l’angoisse suscitée par ses attaques envieuses inconscientes. Cette scotomisation de l’envie ne réussit qu’au prix d’une idéalisation toute-puissante du Moi qui finit par rendre difficile le rapport à la réalité psychique et la réalité extérieure en général.

 Illustration clinique : Un analysant non-psychotique, demande une analyse en faisant part de son intérêt pour la psychanalyse, et en soulignant en même temps qu’il n’en a aucun besoin. Il se voit immédiatement en patient idéal qui ferait des progrès époustouflants. Mais en réalité, remarque Rosenfeld, il s’avérait rapidement que le travail analytique restait sans effet aucun sur l’analysant. Bien que ce dernier soit très conscient de ses problèmes avec son épouse, ses enfants et ses collègues de travail, l’idée ne lui viendrait jamais d’y supposer le moindre contribution personnelle. Pendant l’analyse, il se montre capable d’adopter rapidement les interprétations pour les reformuler à sa manière et se croire lui-même en être l’inventeur. Dans ses rêves et associations, il apparaît également que l’analyste est imaginé comme sa propre création. Sa résistance, écrit Rosenfeld, donne le sentiment d’un mur de pierres.

Le travail analytique du narcissisme pathologique doit passer par la prise en compte progressive de l’existence de l’analyste et par la réactivation conséquente de l’envie et des sentiments de frustration qu’elle sous-tend. Idéalement, une telle analyse devrait mener à une perlaboration de la position dépressive, c’est à dire à une intégration progressive des pulsions agressives.

Mais ce cheminement reste constamment hanté par l’activation réactionnelle de défenses schizoïdes violentes. Selon Rosenfeld, certains patients arrivent en effet à dépasser ces défenses et à aborder la position dépressive. C’est ce qui devrait encourager le traitement psychanalytique des pathologies narcissiques.

3. Narcissisme pathologique, rage narcissique, « narcissisme destructeur »

Selon Freud, les personnalités narcissiques sont tellement préoccupées par elles-mêmes, qu’un rapport à l’autre en devient presque impossible. Dans la schizophrénie et la paranoïa, la libido se détache des objets et du monde extérieur en général pour se retirer sur le Moi. C’est la raison pour laquelle, selon Freud, ces personnes n’étaient pas analysables[3]. Incapables d’établir une relation de transfert avec l’analyste, la relation analytique ne peut jamais être établie.

À l’instar de Mélanie Klein, Rosenfeld conteste cette hypothèse clinique. Les psychotiques ne sont pas seulement capables de mettre en place un transfert, mais, malgré leur indifférence apparente, s’avèrent être sujets à des transferts autrement plus massifs que les névrosés[4]. L’expérience clinique ne montre pas une absence de transfert, mais un type de transfert très différent, un transfert narcissique tout-puissant : « Dans leurs fantasmes, [les psychotiques] semblaient faire des demandes insatiables à leurs objets, confondre soi et les autres, mettre les autres en soi et réciproquement.[5] »

Cette découverte amène Rosenfeld à introduire la notion de relation d’objet narcissique, afin de soutenir, contre Freud, que les états narcissiques ne sont pas sans objet. Les psychotiques se caractérisent par une relation d’objet narcissique toute-puissante : « J’avais à l’esprit la manière dont les patients psychotiques utilisent les autres (objets) en tant que contenants dans lesquels, se sentant tout-puissants, ils projettent les parties d’eux-mêmes qu’ils ressentent indésirables ou qui leur causent souffrance et angoisse. »

Parmi les personnes de caractère narcissique tout-puissant, il existe toutefois un type particulier. Il est de personnes conscientes et fières de leur côté destructeur et extrêmement sadique. D’où l’extrême importance, selon Rosenfeld, de distinguer entre les aspects libidinaux et les aspects destructeurs du narcissisme. Si le narcissisme plutôt libidinal se caractérise par une idéalisation excessive du Moi, le narcissisme destructeur se sustente du fantasme de la toute-puissance de la propre destructivité et agressivité. Dans ces derniers cas, toutes les relations impliquant un élément quelconque d’amour, d’affection ou d’interdépendance sont détruites avec plaisir.[6] Il n’en reste pas moins que ce narcissisme destructeur est extrêmement difficile à mettre à jour. La personne animée par un tel narcissisme semble avoir perdu tout intérêt dans le monde extérieur, peut parler et se comporter avec la plus grande indifférence.

 Par le concept de narcissisme destructeur, Rosenfeld entend en même temps outrepasser les analyses de Kernberg et de Kohut.

À Kernberg (1977, Borderline Conditions and Pathological Narcissism), il reproche de ne pas suffisamment avoir pris en compte le démêlage ou la désunion (Triebentmischung, Freud) de la pulsion agressive qui tend à envahir l’ensemble de la personnalité.

La « rage narcissique » de Kohut ne se conçoit que comme réaction à une blessure narcissique, au sentiment d’être humilié, mal compris ou méprisé. Contrairement à la rage narcissique, le narcissisme destructeur prend systématiquement plaisir à blesser, à rabaisser, à mépriser à rabaisser et fait se concentrer toute l’énergie de la personne au maintient de sa force sadique.

Le narcissisme destructeur recourt principalement aux mécanismes de l’identification projective, tels que conçus par Mélanie Klein. Le fait de projeter des parties de son propre soi dans les autres conduit néanmoins également à des sentiments de persécution, notamment à l’idée d’être contrôlé par la personne à laquelle on s’est identifié de cette manière.

4. L’identification projective

La notion d’identification projective constitue la pierre angulaire de la conception rosenfeldienne des schizophrénies et des pathologies narcissiques, ainsi que de la profonde altération de la « technique » psychanalytique qui en découle. J’esquisserai brièvement quelques traits de la notion d’identification projective et de son destin.
Mélanie Klein[7] reprend à son compte l’idée de Winnicott[8] de la non-intégration (manque de cohésion) du Moi (≠ désintégration). Les premières angoisses naissent de la pulsion de mort. La pulsion de mort représente une tendance à la dés-intégration. L’angoisse de la désintégration représente la toute première angoisse. Le premier mécanisme de défense face à cette angoisse est celui de la projection. La propre pulsion agressive/pulsion de mort est déplacée et projetée sur un objet extérieur ou dans un objet extérieur. Concrètement : dans le sein maternel. En d’autres termes, la pulsion de mort est attachée à un objet afin d’éviter le morcellement intérieur, le morcellement du Moi. Ce faisant, on ne fait qu’échanger une angoisse contre une autre angoisse : l’angoisse du morcellement intérieur par l’angoisse face à un objet devenu mauvais. Le Moi a toutefois plusieurs types de défense face à l’angoisse du morcellement :

la projection de la pulsion de mort,

le clivage de l’objet en bon et mauvais objet qui préserve l’intégrité du bon objet face au morcellement (-> défense schizoïde),

l’idéalisation du bon objet en cas de menaces de la part du mauvais objet (l’idéalisation est le corollaire de la persécution)

l’idéalisation pouvant conduire jusqu’à la dénégation intégrale du mauvais objet (-> défense maniaque)

    la « gratification hallucinatoire » représentant le degré le plus haut de l’idéalisation : idéalisation toute-puissante du bon objet allant de pair avec l’annihilation toute-puissante du mauvais objet

D’après Rosenfeld[9], l’identification projective relève d’un mécanisme de défense primitif (Mélanie Klein) : « les bonnes ou les mauvaises parties du soi sont expulsées du moi, puis, dans un second temps, projetées dans des objets externes sous forme d’amour ou de haine. » Le résultat en est la fusion des parties projetées du soi et des objets externes. La personne s’identifie à l’objet externe au point de devenir cet objet. Le bénéfice fantasmatique peut consister dans l’acquisition d’un contrôle tout-puissant sur l’objet aimé. Le danger, dans le cas dune projection de la haine et de l’agression est la menace de représailles, c’est-à-dire des craintes paranoïdes de la vengeance de la part de l’objet.

Rosenfeld entrevoit également la possibilité d’une identification projective plus primitive et primordiale, intra-utérine, qui précéderait la séparation d’un soi et de l’objet. Il s’agirait éventuellement d’un état fusionnel du bébé et de sa mère analogue à un « état psychosomatique ». Mais seul un supplément d’observations cliniques permettrait d’apporter de la lumière à cette hypothèse.

 Selon W. R. Bion[10], le mécanisme de defense de l’identification projective se situe sur le plan du fantasme et suppose une fragmentation non seulement des objets, mais du soi dans son ensemble : fragmentation de la pensée, de la sensation, de l’attention, de la mémoire, du jugement avec éjection consécutive dans les objets externes. Ces derniers sont alors enveloppés, avalés, recouverts (engufled) par ces parties projetées :

Chaque particule est ressentie comme consistant en un objet réel encapsulé dans le morceau de la personnalité qui l’a enveloppé. La nature de cette particule complète dépendra en partie du caractère de l’objet réel, disons un gramophone, et en partie du morceau de la personnalité qui l’enveloppe. Si le morceau de la personnalité se rapporte à la vue, le gramophone, une fois qu’il joue, est ressenti comme regardant le patient ; s’il se rapporte à l’ouïe, le gramophone qui joue est ressenti comme écoutant le patient. L’objet, enragé d’être ainsi enveloppé, se gonfle pour ainsi dire, et se mélange et contrôle le morceau de personnalité qui l’enveloppe : dans cette mesure, la particule de la personnalité est devenue une chose. »[11]

 Ainsi, l’identification projective est à l’origine des « objets bizarres » (bizarre objects) de la schizophrénie.

 La notion d’identification projective implique un changement significatif de la position et de la fonction de l’analyste, s’étendant jusqu’à la critique de la notion même de technique psychanalytique. On pourrait varier une formule de Lacan de la manière suivante : on n’est pas analyste avec ce que l’on sait, on est analyste avec ce que l’on est.

L’identification projective a pour effet de produire des effets très particuliers dans l’analyste, et cela non seulement pendant la séance. Il est intéressant de remarquer que Winnicott a été le premier à situer ces phénomènes sur le plan du contre-transfert dans son article « Hate in the countertransference » (1949)[12]. Il y écrit : « je pense que dans l’analyse de psychotiques, et dans les derniers stades de l’analyse de personnes normales, l’analyste doit se trouver dans une position comparable à celle d’une mère face à son nouveau-né. [...] Une mède doit être capable de tolérer sa haine envers son bébé sans en faire quoi que ce soit. [...] La chose la plus remarquable concernant la mère est sa capacité à être blessée tellement par son bébé et de le haïr tellement sans en faire payer les frais à son bébé [...] ».

Rosenfeld décrit ces phénomènes de manière saisissante : « [...] les processus projectifs puissants ont pour résultat que l’analyste, dans cette situation, peut faire distinctement l’expérience contre-transférentielle qu’il n’est bon à rien et qu’il n’a rien de valable à donner au patient. Il peut même éprouver des symptômes physiques avec de tels patients, si concrètes peuvent être leurs projections expulsives ; il peut avoir des nausées tout comme le patient peut vomir réellement.[13] »

L’identification projective relève en grande partie des aspects non-verbaux du rapport analytique : « [...] on peut constater facilement le pouvoir qu’ont ces patients de créer une atmosphère émotionnellement chargée. Quelques-unes de leurs projections s’accompagnent de fantasmes pourvus d’un effet très mobilisateur [...] De telles projections délirantes semblent exercer une forte influence hypnotique sur l’analyste et peuvent le gêner dans son fonctionnement. Elles peuvent conduire l’analyste à entrer en collusion ou à commettre un acting-out ou à se sentir envahi et débordé par la projection.[14] »

« C’est pourquoi l’analyste doit apprendre à contenir les sentiments que le patient suscite en lui pendant un temps notable, avant de pouvoir les lui interpréter. »

Face à cette situation, l’analyse personnelle de l’analyste acquiert un rôle fondamental. Rosenfeld mentionne « le rôle vital d’une analyse personnelle ». Dans sa propre analyse, l’analyste doit avoir touché à ses propres composantes psychotiques, et doit avoir eu l’occasion de les élaborer ou de les perlaborer au risque de se retrouver lui-même happé par des mécanismes défensifs, suscités par ses analysants. L’analyste se tient d’ailleurs dans une position particulièrement délicate par rapport à cette question qui lui reste d’autant plus invisible qu’il a tendance à s’identifier à la position de l’expert, de celui qui se suppose savoir. De même, l’étayage plus ou moins rigide du travail analytique sur les canons d’une théorie psychanalytique, sur l’identification à ses propres analystes, superviseurs ou didacticiens contribuent aisément à la scotomisation chez l’analyste de son contre-transfert et des mécanismes de défense qui en découlent. Rosenfled note dans ce contexte : « des tendances à fonctionner de façon toute-puissante et omnisciente peuvent être considérablement accrues » chez l’analyste. De même qu’un analysant saurait se cacher derrière des termes psychanalytiques, de même un analyste peut se dissimuler et dissimuler la particularité de la personne qui s’adresse à lui en se rabattant sur l’universel d’une théorie.

Vu la difficulté de la démarche, on serait en droit de se demander pourquoi contenir – c’est-à-dire accueillir – le côté concret de l’identification projective ? Ne vaudrait-il pas mieux, dans ce cas, retourner à une interprétation plus rassurante de l’analyste comme miroir vide ou comme chirurgien insensible pendant l’opération ?

D’une part, si identification projective il y a, l’analyste s’y soustraira difficilement. Le refus des effets déstabilisants de l’identification projective ne pourraient consister que dans une altération volontaire de la sensibilité de l’analyste – pourtant censée être assurée par l’attention librement flottante -, c’est-à-dire dans l’organisation volontaire d’un écran protecteur face à l’analysant.

L’analyste devrait savoir accueillir en lui l’angoisse, la haine et la destructivité pour pouvoir la penser et redonner les éléments de la pensée à l’analysant. Si défense : impossibilité de penser. Le rejet des éléments de projection par l’analyste conduit à un embrasement et une confirmation des angoisses paranoïdes de l’analysant.

Hanna Segal fournit belle illustration clinique de la fonction de contenant de l’analyste. Une analysante se sent happée par ce qu’elle appelle une « infection microbienne généralisée » et qui affecte ses humeurs et l’épuise. Elle sent que les microbes attaquent son système nerveux, déréglant ainsi ses glandes et sa pensée. Ces microbes s’en prennent également à ses organes sensoriels qui, sous leurs attaques permanentes sont devenus hypersensibles. « Il n’y a pas de doute, remarque Hanna Segal, que ses persécuteurs internes ne fussent de l’espèce des « objets bizarres » »[15].

Au cours de l’analyse il s’avère que d’une manière ou d’une autre, les microbes persécuteurs ont à faire aux personnes de la vie quotidienne de l’analysante. Ces personnes, elle les distingue en deux grandes catégories : celles qui dépendent d’elle et qu’elle a la charge de soutenir - se sentant coupable à chaque fois qu’elle manquait à son devoir de soutien -, et celles, hautement idéalisées et en nombre bien moins important, dont elle dépend elle-même. Les personnes dépendant d’elle sont ressenties comme étant toutes au bord de la crise de nerfs ou de l’écroulement mental. En ce qui concerne les personnes dont l’analysante elle-même dépend – son mari, par exemple – mais dont elle nie sa dépendance, il y a problème. Car l’analysante a l’impression que ces personnes s’effondrent progressivement à leur tour.

L’urine représente un élément très important dans le monde fantasmatique de l’analysante. L’urine est le résultat d’un effondrement et d’une désorganisation complète des objets internes. Cette décomposition est telle qu’il n’y a même plus de parties ou de morceaux : l’urine constitue le résultat d’une dissolution complète en une matière homogène et informe, un torrent de microbes.

Cette analyse se passe plutôt mal, selon les dires de Hanna Segal, jusqu’au jour où la patiente rapporte le rêve suivant : elle ressent un besoin urgent d’uriner, mais le pot de chambre qu’elle trouve dans sa pièce est recouvert par un beau tissu colorié ; ce qui le rend donc inutilisable. Et cette impossibilité la met dans un état de rage et de désespoir.

En se laissant aller à ses associations sur ce rêve, elle le met en rapport avec un événement de la veille. Téléphonant à son analyste pour lui demander un déplacement de la séance, elle la trouvait (son analyste) expéditive et un peu rude. Peu à peu, la discussion commence à tourner autour de ses objets idéaux, notamment du pot de chambre dans lequel elle pouvait déverser ses microbes. Le pot de chambre s’en éclot donc comme ce qui peut « contenir » son effondrement « sans s’écrouler lui-même ». C’est à cette place qu’elle repère également son analyste ; l’analyse comme pot de chambre. En refusant cette identification – du fait d’être brusque et brève – l’analyste devient tout à coup inutilisable. L’identification projective ne fonctionne plus, l’analyste devient aussi inutile, aussi désespérante ou enrageante qu’un pot de chambre couvert. Inversement, quand l’analysante voyait ou pensait que son analyste se montrait pâle, malade ou affectée, elle se rassurait que le transfert de son propre effondrement avait bien passé, qu’elle avait réussi à la transmettre à son analyste.

Rosenfeld accorde une fonction clinique originale à l’identification projective : en analyse l’identification projective constitue surtout un moyen de communication.[16] En projetant les parties indésirables dans l’analyste, l’analysant ne s’en débarrasse pas seulement, mais il permet également à l’analyste de les ressentir en lui, et de s’en rendre compte ainsi sur le plan de son propre vécu. L’accueil de l’identification projective ouvre le travail analytique à la communication non-verbale. La projection répond notamment au fait que l’angoisse ou la terreur de la formulation symbolique est trop importante. L’angoisse excessive et les défenses massives qui en résultent interdisent de dire et même de penser. En cela, ces parties inconscientes de l’analysant se retrouvent dans l’analyste qui doit, en même temps, être suffisamment perméable pour accueillir l’angoisse, les désespoir, la haine et la destructivité et rester en mesure de ne pas s’en laisser envahir ou hypnotiser, au risque de perdre ses propre faculté de penser et de parler. À lui donc de transformer les excréments nocifs en or, en les restituant progressivement à l’analysant : « La nature du transfert psychotique consiste dans l’opportunité d’offrir la démonstration que des sentiments insupportables peuvent être contenus et pensés de manière créatrice. »

L’on pourrait également penser à la belle formulation d’André Green qui résume la problématique de manière concise : « La réponse par le contre-transfert (c’est-à-dire la réponse que l’analyste fournit de manière actuelle par son travail de verbalisation et d’inscription vicariant) est celle qui aurait dû avoir lieu (mais qui justement n’a pas eu lieu) de la part de l’objet.[17] »

 5. Illustration clinique

L’aspect libidinal du narcissisme conduit à une surévaluation du soi fondée sur son idéalisation.[18] Cette surévaluation se sustente d’identifications introjectives et projectives toutes-puissantes. Il en résulte une sorte de confusion entre les objets du monde extérieur idéalisés et le soi : « tout ce qui se présente comme valable dans le monde extérieur fait partie [du narcissique] ou est sous son contrôle tout-puissant ».

Ce type de narcissisme a des effets négatifs certains, mais également des aspects positifs, protecteurs. Il agit comme la protection majeure du Moi qui, une fois égratigné, risquerait de rendre la personne excessivement vulnérable et susceptible de se sentir humiliée et frustrée. La manque de différenciation des deux aspects ou deux types de narcissisme peut s’avérer désastreux dans le travail analytique.

Le narcissisme destructeur à son tour s’appuie sur une auto-idéalisation excessive. Mais ici, l’idéalisation porte sur les traits destructeurs et tout-puissants. Comme toute rapport investi à l’autre, toute relation d’objet, tout amour implique un sentiment de dépendance et donc le sentiment d’une certaine insuffisance ou faiblesse, le narcissisme destructeur vise à la destruction de toute relation d’objet afin de préserver la toute-puissance fantasmatique. Dans la réalisation de cette tâche destructrice, le narcissisme destructeur possède un large arsenal d’armes qui reposent toutes sur la dévaluation de l’objet : supériorité, arrogance, critique, rabaissement mais aussi l’indifférence ostentatoire, froideur, désintérêt.

En analyse, ces contre-mesures se manifestent dès que la toute-puissance risque de montrer des failles. Cette découverte se fait jour avec des sentiments d’humiliation. Les bonnes qualités de l’analyste supposées faire partie de l’analysant lui sont désormais perdues. Dès lors, le voile couvrant l’envie et la destructivité se lève face à ce qui est ressenti comme spoliation de la part de l’analyste.

L’envie se manifestant ainsi à l’égard de l’analyste peut être perlaborée et diminuer progressivement. Les tendances destructrices, quant à elles, restent néanmoins plus difficiles d’accès. La violence qui peut être ressentie dans le transfert à l’égard de l’analyste peut s’avérer excessivement angoissante pour l’analysant. On remarque également un renversement des tendances destructrices sur soi : plutôt que de dépendre de l’autre, on préfère se détruire soi-même.

Dans l’analyse, cela correspond à la réaction thérapeutique la plus aiguë : le travail analytique est pavé de souhaits et de projets d’interrompre l’analyse, par des passages à l’acte, et par des souhaits ou actions auto-destructrices, pouvant aller jusqu’à la dépression grave et les tendances suicidaires (« disparaître dans l’oubli »).

Selon Rosenfeld, cette « force mortelle » correspond de près à ce que la pulsion de mort freudienne tentait de décrire. Dans l’analyse, elle devient plus forte, plus l’analysant tente de se tourner vers la vie et de faire d’avantage confiance à son analyste.

D’où la nécessité de distinguer entre une organisation narcissique défensive et active et la force destructrice qui en est dissimulée. Les deux se soutiennent : « Le patient ressent qu’il est mort ou que l’analyste est mort ou qu’ils mourant si la force de mort est reconnue. » Cette mort intérieure peut s’exprimer par le sentiment d’avoir détruit définitivement son « soi secourable », son amour. C’est le prix à payer pour la toute-puissance fantasmatique.

Le rêve de Simon :

Un petit garçon est dans un état comateux, mourant d’une sorte d’empoisonnement. Il est étendu sur un lit dans un cour, exposé à la chaleur dangereuse du soleil de midi. Simon, assis à côté de lui ne fait rien pour l’aider. Il se sent supérieur et critique par rapport au médecin qui, lui, aurait dû comprendre ce danger et apporter son aide. Les associations montrent que le petit garçon correspond au soi libidinal dépendant et mourant à qui il interdisait toute aide par l’analyste. Rosenfeld intervient en remarquant que même en se rendant compte de son état mental, Simon ne fait rien qui puisse l’aider ou puisse aider l’analyste à la sauvegarde du soi mourant. Il préfère le meurtre de soi-même pour triompher sur l’analyste et lui montrer qu’il est un râté.

 

« Le rêve illustre le fait que l’état narcissique destructeur se maintient au pouvoir en gardant le soi infantile libidinal dans une condition constante de mort ou d’agonie. Cependant, après un grand travail, il était parfois possible de trouver la partie de Simon qui ne se sentait pas auto-suffisante et morte, et de communiquer avec lui de telle manière qu’il se sente plus vivant. Alors, il admettait qu’il aimait s’améliorer mais bientôt il sentait que son esprit s’évadait du cabinet de consultation. Il devenait si détaché et endormi qu’il pouvait à peine rester éveillé. C’était une résistance énorme, presque comme un mur de pierre qui empêchait tout examen de la situation.[19] »

Seule une interprétation fréquente et une confrontation répétée au narcissisme destructeur apportait une amélioration. Il s’y manifestait par ailleurs une collusion de fantasmes masochistes avec le si souffrant et mourant. Dans une telle analyse réussie, l’analysant prend lentement conscience du fait qu’il est dominé par une partie infantile et toute-puissante de lui-même qui l’attire à la mort, l’infantilise et l’empêche de grandir en le maintenant à distance des objets.

 [1] Une remarque très importante sur ce sujet se trouve chez Winnicott : « [...] we can note immediately that Melanie Klein finds it good to interpret the unconscious conflicts and the transference phenomena as they arise, and to form a relationship with the child on the relief given by such interpretations; by contrast Miss Freud tends to build up a relationship with the child on a conscious level and she describes how she gets gradually to the work pf the analysis with the conscious co-cooperation of the patient. The difference is largely a matter of conscious or unconscious co-operation . », « Child Analysis in the Latency period » (1958), dans D. W. Winnicott, The Maturational Processes and the Facilitating Environment, Londres, Karnac, 1965, 2003, p. 119.

[2] Voir Herbert Rosenfeld, « On the Psychopathology of Narcissism: A clinical Approach » (1964), dans Psychotic States, Londres, 1965, 20004, Karnac, p. 169.

[3] S. Freud, « Zur Einführung des Narzissmus » (1914), dans GW X, p. 139 : « [..] die Abwendung ihres Interesses von der Außenwelt (Personen und Dinge). Infolge der letzteren Veränderung entziehen sie sich der Beeinflussung durch die Psychoanalyse, werden sie für unsere Bemühungen unheilbar. »

[4] À ce sujet, voir plus particulièrement H. Rosenfeld « Transference-Phenomena and Transference Analysis in an Acute Catatonic Schizophrenic Patient. » (1952), dans Psychotic States, Londres, 1965, 20004, Karnac, p. 104.

[5] Herbert Rosenfeld, Impasse et interprétation, Paris, ???, Puf, p. 33.

[6] Ibid., p. 35.

[7] Mélanie Klein, « Notes on Some Schizoid Mechanisms » (1946), dans Envy and Gratitude, Londres, New-York, 1975, 1984, The Free Press, pp. 1-24.

[8] D. W. Winnicott, « Primitive emotional development » (1945), dans Through Paediatrics to Psychoanalysis, Londres, 1958, 2002, Karnac, pp. 145-156.

[9] Rosenfled, Impasse et interprétaiton, pp. 185-190.

[10] « Differentiation of the Psychotic from the Non-Psychotic Personalities », 1957, Second Thoughts, Londres, Karnac, 1967, 1993, pp. 43-64

[11] Ibid. : « Each particle is felt to consist of a real object which is encapsulated in a piece of personality that has engulfed it. The nature of this complete particle will depend partly on the character of the real object, say a gramophone, and partly on the character of the particle of personality that engulfs it. If the piece of personality is concerned with sight, the gramophone when played is felt to be watching the patient; if with hearing, then the gramophone when played is felt to be listening to the patient. The object, angered at being engulfed, swells up, so to speak, and suffuses and controls the piece of personality that engulfs it: to that extent the particle of personality has become a thing. »

[12] Voir D. W. Winnicott, Through Paediatrics to Psychoanalysis, Londres, 1958, 2002, Karnac, pp. 194-203.

[13] Impasse et interprétation, p. 196.

[14] Ibid., p. 25.

[15] Voir Hanna Segal, Introduction à l’œuvre de Melanie Klein, Paris, 1969, Puf, pp. 60-62.

[16] Impasse et interprétation, p. 37

[17] André green, Le travail du négatif, Paris, 1993, Minuit.

[18] Impasse et interprétation, p. 126.

[19] Impasse et interprétation, p. 134.

 

(Exposé du 22 avril 2003 au groupe de travail sur le narcissisme de l'ALEA)

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12 juillet 2012

Pervers narcissiques : enquête sur ces manipulateurs de l'amour

2672799402_1Melody.

Belle comme Audrey Hepburn. Gaie, attentive aux autres. Elle s'est pendue à 28 ans. On l'a trouvée dans la cuisine de l'appartement où elle vivait avec un homme rencontré un an plus tôt. La conséquence d'une dépression, pour les parents. Les amis savent autre chose, un scénario à peine imaginable. C'est lui qui l'a poussée au suicide. Elle allait le quitter pour un autre, alors il lui répétait qu'elle était "un monstre" et qu'il allait se suicider à cause d'elle. Un huis clos insensé, de plus en plus accusateur, et Melody s'est pendue. Elle vivait avec un manipulateur pervers. Probablement ignorait-elle tout de cette déviance. Une innocence fatale.
Toute relation toxique, bien sûr, ne conduit pas au suicide, mais le risque est là. Une prise de conscience collective affleure. On met enfin un nom sur la violence perverse dans les rapports humains. "Perversion narcissique" : l'expression est entrée dans la conversation courante. Des livres sont en kiosque dans les gares, comme celui du psychanalyste Jean-Charles Bouchoux ("les Pervers narcissiques", Eyrolles), deux fois réédité sous l'effet d'une demande croissante. Sur internet, le site SOS Pervers, ouvert en novembre dernier, reçoit plus de 1.500 visites par jour. Le savoir s'échange dans les forums de discussion.

Vampires affectifs

Taper "perversion narcissique" sur Google, c'est pénétrer un monde parallèle et funèbre. Des contributeurs sortis des griffes de leur tourmenteur viennent à la rescousse de novices déboussolés. Les initiés parlent de "PN". L'un des sites les plus visités s'appelle Pervertus - il est sous-titré "blog d'intérêt public" - et commence ainsi : "Ils représentent 3% de la population [bien plus selon les spécialistes, ndlr] et détruisent 90% de leur entourage. Eux, ce sont les manipulateurs pervers ou vampires affectifs. Allez-y : levez les yeux au ciel, grimacez, soupirez. Parler des manipulateurs, c'est comme parler des petits hommes verts... On vous rit au nez[...]. Et pourtant ils sont bien réels."
Le mal n'est pas nouveau mais en recrudescence express, selon Dominique Barbier, criminologue et expert psychiatre avignonnais, ami de Boris Cyrulnik, qui écrit un livre (à paraître cette année chez Odile Jacob) pour expliquer en quoi notre époque est une véritable "fabrique de pervers". Le consumérisme frénétique et l'affaiblissement de la fonction paternelle entraînent une intolérance à la frustration de plus en plus répandue. Cette immaturité serait le terreau fertile de la prédation morale et d'un rapport à l'autre de plus en plus utilitaire. "C'est le mal du siècle. Ce que j'observe est effrayant, dit le criminologue. N'importe qui peut tomber sous la coupe d'unpervers."

Relations toxiques

La perversion narcissique consiste à employer des moyens retors - en l'occurrence vampiriser et anémier son partenaire - pour combler une faille infiniment béante et un vide intérieur. Ce "vide vertigineux dans lequel tout affect semble avoir été éteint depuis l'enfance" dont parle Geneviève Reichert-Pagnard, psychiatre et victimologue, auteur en 2011 d'un ouvrage très fin sur "les Relations toxiques" (Ideo). Autant de femmes que d'hommes sont confrontés à la prédation morale au sein du couple. Ceux et celles, innombrables, qui ont ainsi subi une insidieuse altération de leur intégrité psychique racontent tous une semblable histoire.
Des débuts grandioses. Le manipulateur sent ce que l'autre attend. Il est caméléon le temps de ferrer sa proie. Dans ce piège amoureux, tout le monde tombe, car le temps de la séduction (phase 1) peut durer... des années. Le pervers sommeille avant exécution de ses noirs désirs : l'emprise (phase 2) et l'assujettissement (phase 3). Il va soumettre peu à peu son partenaire pour en prendre le contrôle. La bascule perverse advient à la faveur d'un événement qui scelle la dépendance, souvent l'arrivée d'un premier enfant. L'être exquis des débuts dévoile une dureté de ton qu'on ne lui soupçonnait pas et se révèle dans toute sa "dangereuse étrangeté", selon l'expression du délicat Paul-Claude Racamier, psychanalyse, inventeur de la notion de perversion narcissique, qui en 1987 posa les bases de cette difformité morale (1).

Serial killer psychologique

Dans le secret de la vie de couple, le manipulateur ou la manipulatrice se comporte en serial killer psychologique. Il ne veut pas que l'autre ait confiance en soi, il fait vaciller cette flamme. C'est un extincteur de vie. La joie de l'autre s'éteint peu à peu. "C'est une folie très répandue, mais personne ne la voit", dit François, qui a passé dix ans avec une prédatrice, rencontrée à l'issue de brillantes études d'ingénieur. Lui a dû déjouer bien des ruses au cours d'un divorce pénible. Car, malgré la loi de 2010 faisant du harcèlement psychologique dans le couple un délit, nombreux sont les magistrats et avocats qui ne savent pas reconnaître un manipulateur. Ils se font avoir, eux aussi, par la remarquable duplicité de ces comédiens-nés, leur angélisme apparent.
Impassible, jamais affecté par rien, même s'il prétend le contraire (seule la blessure d'orgueil le fait souffrir), le pervers narcissique fera passer pour déséquilibrée sa victime poussée à bout. Même les psys peuvent être bernés, car "le pervers offre à l'observateur l'air de la parfaite innocence", observe Marie-France Hirigoyen, qui en 1998 a popularisé la notion de harcèlement moral (2).
La révélation peut survenir après dix ou vingt ans de vie commune. Le visage véritable d'un mari ou d'une femme apparaît brutalement. C'est le syndrome Dorian Gray. Une fois la prise de conscience advenue, le partenaire, qui ressent depuis longtemps un malaise diffus, relit l'histoire commune à la lumière de ce nouveau savoir, mais le départ est retardé par la nature complexe du lien, la relation d'emprise, qui est une véritable prise de pouvoir sur l'esprit de l'autre. Etre équilibré ne garantit qu'une chose : la rémission rapide, une fois le cauchemar terminé.

"Le détraqueur porte un masque"

Pour les plus fragiles, quelques années seront nécessaires pour dépasser un véritable choc post-traumatique (une victime dit être "marquée au fer rouge"), d'autant que la séparation ne met pas fin au harcèlement quand le couple a des enfants. Continuer de se défouler sur l'ex-partenaire permet à l'agresseur d'offrir, du moins momentanément, un doux visage à sa nouvelle proie. On observe de la part du pervers divorcé un abus de procédures judiciaires. Ce "détraqueur" porte un masque. Il est sociable, adorable, fréquentable, admirable, car la crispation morbide envers une proie unique, une seule, suffit à écluser sa compulsion destructrice. Ce double visage lui permet d'entraîner quelques proches qui, de bonne foi, vont croire en sa version des faits lorsqu'il inversera les rôles pour expliquer que c'est lui la victime. "L'ignorance, c'est 50% du problème",explique Isabelle Nazare-Aga, thérapeute cognitivo-comportementaliste, son énergique crinière blonde ondulant au rythme du feutre sur le tableau blanc. Un séminaire démarre, ce samedi de novembre à l'aube, dans son appartement du 16e arrondissement parisien. Il y a là une dizaine de femmes et deux hommes. Une grande Danoise très amaigrie prend la parole. Son beau visage exprime la lassitude et le tourment. Elle n'arrive pas à quitter son mari qui, dans leur banlieue chic, se livre sur elle à un véritable tabassage moral. L'homme l'a coupée de tout, de ses amis, de sa famille. Elle est intelligente, sensible, perdue. On sent qu'elle pourrait tomber gravement malade.

Comment se défaire de l'emprise

Durant ces deux jours intenses, nul retour sur des traumas passés pour expliquer la tolérance à l'insupportable, mais un échange salvateur entre hommes et femmes à qui Isabelle Nazare-Aga expose précisément la nature de l'emprise perverse et la façon de s'en défaire. La jolie et lumineuse Vanessa, documentaliste, demeurée célibataire et sans enfants car elle n'a plus jamais pu "faire confiance à nouveau", raconte : "A la maison, c'était humiliation sur humiliation. Il me disait : "Mets des chaussettes, tes pieds me dégoûtent", m'appelait "ma gorette" en pinçant le peu de graisse que j'avais. Je coulais petit à petit. Physiquement, je disparaissais. Je ne pesais plus que 40 kilos, mais comment prouver cela ? Pas de témoin. Aux yeux de tous, c'était moi la désaxée." Scénario type.
Affaibli par l'intense travail de culpabilisation mené par le manipulateur, incapable d'imaginer une malveillance qui lui est étrangère, le partenaire incrédule se dit avec indulgence que son mari ou sa femme, "c'est Dr Jekyll et Mr Hyde", frôlant de près une vérité qui lui échappe encore. Aussi brillant soit-il, l'assujetti a du mal à y voir clair. Une "main basse sur l'esprit", pour le psychanalyste Saverio Tomasella. Racamier parlait même d'un " véritable détournement d'intelligence ".
Le pervers reproche à l'autre la zizanie que lui-même s'évertue à semer. Agnès, radieuse serveuse de bar au fond du Finistère, revenue pour sa part sans difficulté à la vie à l'issue de "ce combat perdu d'avance", raconte : "On marchait dans la rue bras dessus, bras dessous ; tout allait bien. Trop bien pour lui, car, d'un seul coup, c'est comme s'il lui fallait impérieusement détruire et salir. Il me balançait une saloperie pour créer du confit et me le reprocher après." Il lui aura fallu quatre ans pour comprendre.

Alternance de maltraitance et de tendresse

Pas si facile d'y voir clair en effet. Qui a la culture psychiatrique pour faire la différence entre le pervers "tout le temps dans le calcul, tel un joueur d'échecs préparant son attaque cinq coups à l'avance" (selon Dominique Barbier) et la femme ou le mari difficile à vivre, instable, pas très à l'écoute et on en passe, mais doté d'affection réelle et - surtout - d'une capacité de remise en question de soi ? Seuls les gens avertis.
Pour ceux-là, le pervers narcissique, construit sur un stéréotype somme toute sommaire, devient plus facile à repérer. Il manie le chaud et le froid dans une subtile alternance de maltraitance et de tendresse. Quand l'autre est à bout, il regagne sa confiance. Son manque d'empathie est central. Il observe la souffrance avec indifférence. Sa gamme de sentiments est pauvre, c'est comme s'il ne disposait que d'une octave sur son piano émotionnel.
Il faut un véritable savoir pour repérer cette froideur de cœur, car feindre d'avoir une sensibilité qu'il sait inexistante fait partie de son art. Il vampirise l'autre jusqu'à l'épuiser - l'expression "se faire bouffer" prend tout son sens. Il est intensément jaloux d'une vie intérieure qu'il n'a pas. C'est un insatisfait chronique qui ne supporte pas le bien-être de l'autre. Il ne tient aucunement compte des besoins de son partenaire. Très vite, la relation s'articule autour de ses seuls désirs, situation ainsi résumée par Agnès : "Il occupait 90% de l'espace entre nous."

Ni remords ni culpabilité

Ni remords ni culpabilité. Il n'a jamais tort, ne demande pas pardon, sauf par stratégie. A travers chaque reproche infondé, calomnieux, adressé à sa victime, l'agresseur fait son autoportrait. Cela fera office d'aveu de ce qu'il est lui-même. Un aveu bien involontaire, car son système de relation repose sur le déni, qui est l'occultation d'une partie de la réalité. C'est d'ailleurs pourquoi son partenaire ressort de discussion (tentative de discussion, devrait- on dire) "avec le cerveau complètement embrouillé" - l'expression revient souvent dans les témoignages. "A devenir dingue, dit Paul, ancien journaliste du "Monde". Avec une personne normale, quand il y a un désaccord, chacun donne ses arguments, il y a un échange. Là, tu n'as prise sur rien. Ca rend fou."
Autre caractéristique majeure : sa façon de dénigrer, insidieusement. Avec des plaisanteries. Du sarcasme. Il rabaisse l'autre par petites touches. Ca n'a l'air de rien mais dans son flot de paroles passe un poison lent. "Je me sentais pire qu'une merde" ou "une sous-merde" : les témoignages sont récurrents là aussi. "Rien n'est plus 'blessable' qu'un narcissisme non pathologique attaqué par un narcissisme pervers", écrivait Paul-Claude Racamier, qui proposa cette définition : "Le mouvement pervers narcissique est une façon organisée de se défendre de toutes douleurs et contradictions internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d'autrui et non seulement sans peine mais avec jouissance."

Expulser en l'autre son propre chaos mental

Expulser en l'autre son propre chaos mental : cette acrobatie psychiatrique est "la" raison d'être de la perversion narcissique. Le pervers manœuvre inconsciemment pour transférer chez l'autre la psychose ou la dépression qu'il cherche à éviter.
On le reconnaîtra enfin à ce que, essentiellement préoccupé de lui-même, il est constamment dans la construction de son image. Cette obsession de paraître le mène souvent haut, dans les métiers de pouvoir et de représentation, où son bel habit social, sa brillance bien souvent, le hisse au-dessus de tout soupçon. "C'est parmi ces manipulateurs destructeurs qu'on trouve les plus grands imposteurs, mystificateurs et escrocs", dit le docteur Geneviève Reichert-Pagnard. Savoir reconnaître un pervers narcissique, c'est repérer ceux qui passent au fil de l'actualité politique, intellectuelle, artistique.

Pas de thérapie possible

Espérer un amendement, voire une guérison est généralement illusoire. "Ca n'est pas une maladie, ça ne se soigne pas. Il n'y a pas de médicament, pas de thérapie possible, dit Dominique Barbier, l'expert avignonnais. Ces gens ne sont pas demandeurs et ne consultent pas, sauf par calcul, pour donner de faux signes de bonne volonté. La problématique relève de la justice et de la police, en aucun cas de la médecine. Ce sont des salopards qui ne changeront jamais." Il n'est pas le seul thérapeute à en perdre la réserve d'usage.
Nulle mention de ce profil dans le DSM-IV, manuel de classification internationale des troubles mentaux. La notion se cherche. Pour certains, il ne faut pas craindre de parler de véritable déviance morale et de poser la question du mal, comme le fit Scott Peck, psychiatre américain. Pour d'autres, c'est une psychose sans symptômes apparents, avec une dimension paranoïaque, ou "psychose blanche", une maladie incurable. On pourrait classer le manipulateur sur une échelle de 1 à 10 selon la toxicité.

Du tyran domestique au sadique

 Niveau 3, le tyran domestique, réfugié dans le déni, qui, pour ne pas sombrer, blesse l'autre involontairement ; niveau 8, le sadique qui se défoule en jouissant de la douleur morale qu'il inflige sciemment. Quoi qu'il en soit, même un "petit" PN fait de considérables dégâts. On ne gagne jamais face à lui. On ne peut que s'en aller.
Et c'est ainsi que la perversion narcissique laisse un nombre grandissant d'hommes et de femmes dans un état de sidération, une fois achevée cette leçon de ténèbres. Après inventaire du désastre, on comprend qu'à l'occasion d'une discussion sur internet où des femmes s'interrogeaient sur la rémission possible de "leur" PN, un thérapeute ait déposé cet avertissement :"Je suis psychiatre. Mais jamais je ne croiserai le fer avec un pervers narcissique."

 

(1) " Le Génie des origines. psychanalyse et psychoses ", Payot, 1992.
(2) " Le harcèlement moral", La Découverte / Syros, 1998.
(Article publié par Anne Crignon dans "le Nouvel Observateur" du 19 janvier 2012)

12 juillet 2012

Pervers narcissique : comment sortir d'une relation toxique?

 

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Qu’est-ce qu’un pervers narcissique ?

 Petites phrases assassines, culpabilisation, dévalorisation... certaines relations sont toxiques et parfois tellement sournoises que l'on ne s'aperçoit pas de leur nocivité et de leur dangerosité. Pourtant, si vous reconnaissez vos rapports avec quelqu'un dans ces quelques termes, c'est que vous êtes peut-être victime de ce que l'on appelle un pervers narcissique. Qui est-il ? Comment le reconnaître ? Et surtout comment s'en sortir ? Parce qu'on a tous quelqu'un dans notre entourage qui a été victime d'un pervers narcissique, Jean-Charles Bouchoux* donne des clefs pour dépister ces manipulateurs qui sont malheureusement plus nombreux que l'on ne le croit et surtout des clefs pour leur échapper dans son ouvrage « Les pervers narcissiques »*.

*Les pervers narcissiques. Qui sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Comment leur échapper ?Ed. Eyrolles.

Qu'est-ce qu'un pervers narcissique ?

Le pervers narcissique est une personne (homme ou femme) qui a un problème avec son image. Il ne s'aime pas, et pour survivre, il va exporter l'image qu'il a de lui-même en dévalorisant l'autre et en le rendant coupable de ses propres défauts. Le pervers narcissique peut être votre compagnon, votre ami, votre collègue ou même quelqu'un de votre famille. Il s'agit en tout cas d'une personne avec laquelle vous entretenez un lien étroit et qui vous manipule, vous fait du mal et dont vous n'arrivez pas à vous défaire. Il a réussi à vous convaincre que vous étiez coupable de tous les maux dont il vous accusait. Le pervers narcissique est un malade qui, par des phénomènes de projection, va tenter de rendre l'autre malade à sa place.

Comment reconnaître un pervers narcissique ?

 Souvent, les pervers narcissiques frôlent la perfection. Ils sont charmants au prime abord et c'est progressivement qu'ils commencent à vous dévaloriser et à vous faire culpabiliser. La caractéristique principale du pervers narcissique est le paradoxe de son attitude. Il a deux fonctionnements différents en fonction du public face auquel il se trouve. Il sera ouvert et agréable devant les gens et se transformera en véritable bourreau lorsque vous serez tous les deux. Souvent, le pervers narcissique fera précéder la phase de dévalorisation (« Tu es nulle, toxique... ») par une phase de séduction (« Je t'aime, tu es si gentil... »). Ainsi, la victime baisse sa garde et est d'autant plus atteinte par le changement brutal de comportement. Le pervers narcissique est un égocentrique qui exige de l'autre la perfection. Il peut être menteur, souvent très jaloux et infidèle, et ne supporte pas la critique.

 Quelques phrases types qu'il pourrait vous dire :

« C'est à cause de toi que je suis malade », « C'est de ta faute », « Tu es quelqu'un de mauvais »...

Existe-t-il un profil type des victimes des pervers narcissiques ?

En général, les victimes sont généreuses, sincères, aimables, ouvertes aux autres, font preuve de naïveté, et manquent de confiance en elles. Être victime, cela peut arriver à tout le monde, mais la question c'est pourquoi on reste ? Pourquoi permettre de se faire traiter ainsi ? La réponse ne peut se trouver qu'après être vraiment sortie et débarrassée de la relation.

Pourquoi supporter les pervers narcissiques ?

Là où le problème se corse, c'est que le pervers narcissique trouve toujours une bonne raison ou justification pour vous parler méchamment ou vous rabaisser. Il ne se remet jamais en question, ne connaît pas la culpabilité et a réussi à vous convaincre que vous étiez coupable. Il se fait passer pour la victime et peut se montrer serviable et adorable si cela lui permet d'atteindre ses objectifs. Difficile donc, de prendre la distance nécessaire pour se dire qu'on ne mérite pas ça. Mais le plus beau cadeau que vous puissiez lui faire est de le quitter.

Comment se débarrasser d’un pervers narcissique ?

La première étape est de repérer la toxicité de la relation, et de comprendre que vous ne pouvez rien y faire. Peu importe le comportement que vous adoptez, la personne en face trouvera toujours le moyen de vous le reprocher. Une fois le constat établi, il s'agit de prendre de la distance, pour enfin se mettre à l'abri.

Commencez par mettre le pervers narcissique face à ses réalités. Au lieu de tenter de vous justifier lorsqu'il vous fait des reproches, demandez-lui plutôt qui il est pour vous juger. Lorsqu'il commencera à comprendre qu'il est en train d'être démasqué, il sera déstabilisé.

Cela pourra parfois prendre du temps, car le pervers narcissique ne vous laissera pas partir facilement. Si en tant que victime, vous ne savez plus où vous en êtes, n'hésitez pas à demander de l'aide à un tiers professionnel (psychiatre, avocat, syndicat...). Le seul moyen de s'en sortir est de réellement couper la relation en changeant de numéro de téléphone, d'email....afin de pouvoir retrouver une bonne image de soi, et de prendre conscience qu'en aucun cas on ne mérite d'être traité comme cela.

Il est absolument nécessaire d'arrêter de vouloir comprendre le pervers narcissique ou de lui trouver des justifications.

Enfin, il est essentiel de renouer avec ses proches. Le pervers narcissique vous aura certainement isolé(e) de votre entourage pour avoir une meilleure emprise sur vous. Retrouver les gens qui vous veulent du bien aidera considérablement à recouvrer une meilleure estime de vous-même.

12 juillet 2012

L'enfant du pervers

enfantpleureExtrait du livre : "pour en finir avec les tyrans et les pervers dans la famille", d' Yvonne Poncet-Bonissol.

Une famille formidable

Toute la difficulté pour l’enfant confronté à un parent pervers narcissique réside dans un paradoxe : sa souffrance est d’autant plus gigantesque que tous les signes extérieurs de son développement, ainsi que ceux relatifs à son milieu familial, non seulement ne laissent transparaître aucune faille, aucune souffrance, mais renverraient même l’image d’une famille quasi parfaite, dans laquelle l’enfant se développe et grandit dans l’harmonie sans jamais poser de problème.
Par conséquent, cet enfant n’a aucun moyen direct de crier son malaise, aucune accroche possible dans cette illusion d’harmonie et cette réalité factice, aucune place pour une quelconque révolte : le piège est bien ficelé, l’image renvoyée est lisse, socialement correcte. C’est un peu comme avoir un revolver braqué dans le dos et être obligé de faire bonne figure pour ne pas que celui qui le pointe tire. Ne surtout pas attirer l’attention sur la face cachée de la réalité.

Seul au monde

« le sentiment dominant, de loin, chez cet enfant, est celui d’un isolement profond et d’une immense solitude », précise Catherine Salobir, psychologue clinicienne. D’abord parce qu’il n’existe entre son parent pervers narcissique et lui aucune transmission, quelle qu’elle soit. Rien ne lui est dit, rien ne lui est jamais raconté, ou alors, bien « enrobé » et « lissé ». Il prendra conscience, au fil des années, qu’il y a des trous dans son histoire, parce qu’il n’y a jamais eu de véritable récit à ce sujet. Les bribes d’information que l’enfant finira par obtenir ne seront que celles qu’il aura pu glaner de ci de là, au fil des conversations dont il aura été le témoin avec certains proches de la famille, ou de recoupements que lui seul sera parvenu à établir. Le pervers narcissique ne se dévoile pas, il ne livre rien. Ainsi, tant sur le plan de son histoire personnelle que sur celui des connaissances générales, l’enfant comprend très tôt qu’il doit tout découvrir et apprendre par lui-même. Il sait qu’il devra grandir seul, ce qu’il aura beaucoup de mal à pardonner.
L’enfant a par conséquent du mal à se situer dans son histoire, à trouver sa place, comme si le lien de la filiation n’existait finalement que sur les registres d’état civil. C’est là encore un paradoxe : son parent est bien vivant, mais en réalité, l’enfant se sent orphelin, à ceci près qu’il n’a aucune chance d’être adopté, ce à quoi il pense d’ailleurs parfois car cela signifierait enfin avoir un parent, c'est-à-dire quelqu’un qui sait que l’essentiel est dans le don et l’échange, quelqu’un qui « sait vivre ».
Le pervers narcissique vit avec son enfant, mais séparément ; ils ne partagent rien. Sécheresse absolue. Un gouffre infini les sépare. Le parent ne sait pas ouvrir les portes de son cœur, symboliquement tenir chaud et envelopper. C’est un langage qu’il ignore complètement et dont il ne veut rien entendre, préférant se réfugier dans une intellectualisation quasi systématique des évènements de la vie, qui lui permet habilement, (car il s’agit en général d’un être brillant), de ne pas aborder les sujets sensibles tout en jouissant d’un pouvoir de fascination sur son entourage, qui se laisse, hélas, berner.
De cette mascarade, l’enfant est témoin, mais il a appris à dissimuler sa nausée et son chagrin. Sa plaie est à l’intérieur, comme sa solitude. Que son parent soit donc rassuré, pour l’heure tout semble – désespérément – normal.
Le pervers narcissique ne présente son enfant aux autres qu’à travers son propre narcissisme, ce qui le valorise aussi. De fait, l’extérieur ne perçoit cet enfant qu’à travers la description qu’il lui en fait, et le méconnaît. Une fois encore, nous sommes dans le domaine de l’image, de l’apparence. L’enfant expérimente la solitude qu’il y a à ne pas être reconnu et compris, à peaufiner l’image du foyer parfait, comme un accessoire dernier cri qu’il est de bon ton d’afficher.
Il arrive néanmoins que certaines personnes proches de l’entourage familial parviennent à saisir quelque chose de cet enfant : capables d’une réelle écoute et de se faire leur propre idée sur lui, sans être influencés par le discours ambiant des parents, ils établissent avec lui une relation sincère et vraie, simplement parce qu’ils le regardent, lui.
Cette situation nouvelle procure à l’enfant un profond bien-être, même si, dans le même temps, cela ne fait qu’intensifier sa souffrance de réaliser que ses proches sont incapables de saisir au quotidien ce que d’autres, plus éloignés et plus anonymes, ont su percevoir.
Un dernier aspect du sentiment d’isolement est directement lié à l’autre parent, le conjoint sur lequel le pervers narcissique exerce une emprise considérable, pris dans une relation de soumission, avalé par celui qui organise et centre chaque instant de la vie autour de lui, devant abandonner presque totalement son rôle de parent pour se dévouer exclusivement à celui d’époux ou d’épouse. L’enfant est doublement orphelin de ses parents : il réalise l’impensable, il lui faut faire son deuil et surmonter l’anachronisme qu’il y a à vivre avec ceux qui sont déjà morts, qu’il doit déjà « enterrer ».

Qui suis-je ?

L’affirmation de soi est également très délicate pour l’enfant : n’ayant pas de place réelle, il a beaucoup de mal à se manifester autrement qu’à travers ce qu’il a compris de ce qu’il devait être. Il ne réclame jamais grand-chose, n’est quasiment jamais demandeur. Il sait qu’il doit se glisser dans le costume tristement étroit qu’on a confectionné pour lui, sinon il deviendra un étranger. Il n’y a pas d’espace pour la contestation, qui serait immédiatement étouffée et violemment réprimée. L’enfant perçoit très tôt, dans ce simulacre d’équilibre, l’intolérance de son parent à toute forme de différence, à tout ce qui ne lui ressemble pas. La singularité est taboue.
La discrète mais réelle dictature ambiante ne laisse évidemment pas de place à la discussion, à l’échange de points de vue différents, puisque rien ne doit risquer de menacer l’ordre établi et le sentiment de toute puissance que le pervers narcissique défend envers et contre tout. L’enfant sait que c’est ailleurs qu’il pourra vivre libre, qu’il doit pour l’instant se taire s’il ne veut pas être rejeté ou risquer de confronter son parent à son propre néant. Il ne s’oppose pas de front au pervers narcissique, il se réfugie souvent dans le silence, ce qui lui vaut alors d’être défini comme un enfant sage et bien élevé, un enfant modèle qui vient redorer bien malgré lui le blason du narcissisme du parent, qui, incapable de la moindre empathie, à aucun moment ne réalise l’artificiel de cette attitude.
Ce silence imposé verrouille chez l’enfant toute verbalisation des sentiments et des affects. La parole avec le pervers narcissique ne s’articule qu’autour de discussions où les émotions ne transparaissent jamais parce qu’elles sont dangereuses pour lui, risqueraient de l’affaiblir, de le rendre vulnérable et de lui faire perdre son pouvoir. Son discours, souvent empreint d’une culture à vertu protectrice, est toujours sérieux ». Sa parole, sa pensée, doit occuper tout l’espace, tant celui des autres que celui de leurs émotions. Ici, on ne s’épanche pas, on raisonne. Ici, on ne vit pas, on est mort.

Une île au milieu des gens

Le fardeau que supporte l’enfant du pervers narcissique a un impact sur ses relations avec le monde extérieur.
Sur le plan relationnel, l’enfant dans sa famille témoigne d’une raideur forte vis-à-vis du contact physique. Les rares étreintes avec le parent ne sont pas chaleureuses, comme si l’enfant se préservait de manière inconsciente, d’une dangereuse contamination. Au quotidien, ce contact physique se réduit au strict minimum, comme s’il fallait mettre le plus de distance entre la vie et la mort. Il faut dire que le parent narcissique n’est pas lui non plus enclin au contact physique.
Sur le plan social, il ne sera pas facile à l’enfant de nouer des contacts avec les autres. D’avoir vécu auprès d’un parent intolérant à toute différence, systématiquement dans le jugement et préoccupé par l’apparence lui aura rendu difficile toute spontanéité et toute intégration dans un groupe : du temps lui sera nécessaire.

L’enfant du pervers narcissique, qui a appris à survivre à la tragédie des faux-semblants, a toujours eu en lui la connaissance intuitive et très précoce qu’il échapperait au piège de son parent et qu’il trouverait, dehors, la terre qu’il devait conquérir pour vivre libre (sauf si les manipulations font apparaître le monde extérieur comme dangereux, auquel cas il sera pris dans un filet de contradictions inconscientes plutôt paralysant).
Plus âgé, il « sait » qu’il est un rescapé, qu’il est passé à côté de ce qui aurait pu l’enterrer vivant, le rendre taciturne ou pire. C’est pourquoi il a parfois la rage de vivre chevillée à l’âme, la rage d’exister, de dire, de se dire, et surtout de partager, de transmettre. Dans ce duel ultra sophistiqué, le pervers narcissique n’est pas parvenu à mettre la voix de son enfant en échec, ni sa richesse, ni sa chaleur.
L’immense solitude dans laquelle il l’aura fait vivre pendant des années aura fait naître un sentiment de force et d’indépendance, même s’il met du temps à se révéler. Il a grandi seul, est devenu fort et avide de liberté, lui qui a connu la prison. Il saura jouir de la vie d’une manière qui déplaira certainement à son parent, confronté à son propre vide et à son affligeante inconsistance. Tel est le destin d’un enfant parvenu à faire de sa souffrance l’œuvre d’art de sa vie.
Cependant, les enfants n’ont pas tous, face au drame d’avoir un parent pervers narcissique, ce potentiel de lutte et de survie. Pour la majorité d’entre eux, certains symptomes empreints de souffrance s’expriment très tôt : agressivité, terreurs nocturnes, troubles alimentaires, psychosomatisations, allergies… Toutes ces manifestations expriment une soif d’être aimé, regardé et entendu. Tyrannique, coléreux, agressif… Non, il n’est pas caractériel. Mais en révolte. Dans la constellation familiale du pervers narcissique, on constate que l’enfant est très tôt désigné comme l’héritier du parent pervers. C’est celui qui, généralement, est le préféré de ce dernier, comme s’il avait reconnu d’emblée celui qui serait digne de lui « succéder ». Alors peu à peu, une toile d’araignée perverse se tisse.

12 juillet 2012

ETUDE SÉRIEUSE SUR LES PERVERS NARCISSIQUES

violence_domestique_pub_12( Ils passent souvent inaperçus jusqu'au jour où le piège se referme sur vous )

Ils représentent 3 % de la population et détruisent 90 % de leur entourage. Eux, ce sont les manipulateurs pervers. Ou vampires affectifs. Allez-y : levez les yeux au ciel, grimacez, soupirez ! Parler des manipulateurs, c’est comme parler des petits hommes verts… on vous rit au nez, on vous conseille de changer de littérature ou d’aller voir un psy. Et pourtant, ils sont bien réels. Le manipulateur pervers repère sa proie, l’observe, l’aborde, la séduit [sous des apparences trompeuses], l’envoûte, la possède, la contrôle,... Ce n’est qu’une fois qu’elle est sous son emprise, sous sa domination, qu’il se dévoile et montre son vrai visage. Celui d’un illusionniste de haut vol, colérique, malveillant, narcissique, cruel et destructeur. Malheureusement, il est déjà trop tard. La proie, envoûtée, ne se rend compte de rien. Le processus de dépendance a commencé.

Le manipulateur pervers est avant tout un narcissique, au sens psychiatrique du terme. Il entre donc dans la catégorie des personnalités pathologiques, au même titre que les paranoïaques, les schizoïdes ou les psychopathes. Comme tout bon narcissique qui se respecte, le manipulateur pervers s’aime et n’émet aucun doute quant à sa valeur supérieure, hors du commun. Il se prétend différent, unique. Pense faire partie de l’élite, des "survivants". Pour cet être égocentrique, se remettre en cause est tout simplement impensable. L’empathie ? Impossible pour un narcissique. L’autre, quel qu’il soit, n’a aucune valeur. Il/Elle n’existe pas. Sauf, bien entendu, comme ‘faire-valoir’.

Existe-t-il une prédisposition, une sorte de propension innée à rencontrer un manipulateur pervers ? La réponse est "oui". Rappelons-le, le manipulateur pervers est avant tout un vampire affectif qui se nourrit d’énergie vitale. Il aime donc les femmes joviales, tolérantes, patientes et généreuses. Pleines de vie. Prêtes à tout donner par amour (dépendance ?), sans jamais rien recevoir en retour. Naïves, aussi, de préférence. Cela lui évite de trop se fatiguer. Le manipulateur observe longuement sa proie avant de l’approcher. Elle se sent seule, elle a envie de tomber amoureuse et… il en profite ! Les femmes qui le font fuir ? Les "sûres d’elles", les "exubérantes", les "dominantes". Les "vraies dépressives" aussi. A quoi bon, il ne pourrait rien en retirer de toute façon. La proie idéale ? Une jeune femme souriante, ayant une propension à la culpabilité, à la dépendance amoureuse et au manque de confiance en soi… encore sous le coup d’une rupture, d’un décès ou d’un autre événement traumatisant. Du pain béni pour notre manipulateur pervers qui, arborant son plus beau (faux) sourire, viendra à la rescousse de la malheureuse. Elle pensera avoir rencontré LE prince charmant. Lui jouera son rôle de Messie à merveille. Car le manipulateur pervers est un bon acteur. Un très très bon acteur.

Le portrait robot de la parfaite victime, de la "fille à pervers" ayant été dressé dans le post précédent, nous pouvons passer au tortionnaire. Au bourreau. Qui est le manipulateur pervers ? A quoi ressemble-t-il ? Existe-t-il des signes distinctifs qui nous permettent de l’identifier à coup sûr ? Je ne sais pas moi : des canines saillantes, un teint blafard, des yeux injectés de sang, une voix railleuse d’outre-tombe, … Et bien, non. Absolument pas. C’est même tout le contraire. En société [qu’elle soit réelle ou virtuelle], le manipulateur pervers est un être charmant, doux, timide, cultivé, ... AFFABLE ! Typiquement, le "bon gars" qu’on apprécie pour se discrétion, sa cordialité, sa gentillesse et sa serviabilité. Ah, c’est qu’il est serviable le manipulateur pervers. Et altruiste avec ça. Il aide à tout bout de champ. Toujours là pour faire plaisir ou rendre service. Sourire mielleux, regard fuyant [ah, cette timidité maladive tout de même !] et bouche en cœur. Les femmes le trouvent différent… SI sensible… SI compréhensif. "Et puis vous avez vu comme il a l’air fragile, vulnérable, inoffensif." Un vrai petit enfant de chœur qui séduit aussi bien qu’il détruit. Mais ça, vous ne le découvrirez que plus tard, en coulisses, hors scène, hors projecteurs. Dans l’intimité, une fois qu’il aura exercé son emprise sur vous, le monstre s’avérera non seulement polymorphe, mais également sanguinaire. Injustement, le reste de l’univers continuera à le trouver exemplaire.

Le manipulateur pervers est d’une prévisibilité crasse ! Ca en est presque affligeant. Rappelez-vous : il porte un masque pour attirer l’attention de sa victime, la met en confiance via un savant jeu de rôle et la séduit par le biais d’apparences trompeuses. Mais tout cela, vous le saviez déjà. Venons-en au clou du spectacle : la transformation. Là aussi, le scénario est [pitoyablement] récurrent. Un jour, l’imposteur se dévoile… montre son vrai visage. D’un coup, comme ça, sans prévenir. Et oui mesdames, en plus d’être illusionniste, le manipulateur pervers est… prestidigitateur ! La métamorphose est rapide et suit le plus souvent une prise d’engagement de la part de la victime. La preuve concrète pour le manipulateur pervers que sa domination est effective et que, donc, la séduction n’a plus lieu d’être. Pour les plus chanceuses, ce changement radical de comportement apparaîtra rapidement, au lendemain du premier baiser ou de la première nuit. Les autres devront se montrer patientes et attendre un déménagement, des fiançailles ou un mariage. Voire même une naissance ! La transformation est alors aussi fulgurante qu’inattendue.

Avec les manipulateurs pervers, c’est comme avec les poudres à lessiver ou les régimes… Il y a toujours un avant et un après !

AVANT
Calme
Compréhensif
Discret
Disponible
Doux
Fragile
Généreux
Modéré
Poli
Sensible
Serviable
Souriant
Timide
Vulnérable

APRES
Calculateur
Colérique
Distant
Egoïste
Froid
Glacial
Grinçant
Hostile
Humiliant
Indifférent
Insatisfait
Insensible
Intransigeant
Jaloux
Méprisant
Moqueur
Moralisateur
Narcissique
Orgueilleux
Paranoïaque
Pingre
Piquant
Plaintif
Possessif
Profiteur
Rigide
Sarcastique
Susceptible

Voici donc notre manipulateur pervers au mieux de sa forme [froid, rigide, distant, hostile, méprisant, …] bien décidé à vous vider de votre énergie vitale. Il adopte alors ce que j’appelle la stratégie de l’aigre-doux. Pour mieux vous décontenancer [fragiliser - affaiblir - paralyser], le manipulateur pervers mise sur l’ambivalence. Une valeur sûre ! Il alterne avec habilité phases de destruction et de séduction. En agissant de la sorte, il fait naître une dépendance affective [celle-là même qui, un jour, vous fera tolérer l’intolérable]. Progressivement, vous finissez par perdre tout repère, tout contrôle, tout esprit critique. Un semblant de gentillesse et, BINGO, vous faites table rase du passé et pardonnez la froideur, le mépris, l’humiliation. Au moindre signe de tendresse, vous rampez ! Ainsi, jour après jour, le manipulateur pervers renforce son emprise et resserre le lien de dépendance. Le plaisir qu’il tire à vous déstabiliser, à vous dominer, à vous maîtriser est jouissif. Ce qui fait courir un manipulateur pervers ? Le sentiment de contrôle, l’impression de [toute] puissance.

Un chat est dans une cage, il a faim, il voit devant lui une boîte grillagée dans laquelle se trouve de la nourriture qu’il ne peut saisir. Par hasard, le chat pose sa patte sur un levier. La boîte s’ouvre et laisse s’échapper une boulette de viande. Voici un chat heureux dressé à appuyer sur le levier et récompensé de son savoir-faire. Notre chat satisfait prend plaisir au jeu. Soudain, après une ultime pression, plus de boulette mais à la place un puissant jet d’ait glacé. Minet se réfugie dans la cage. Par la suite, à chaque pression du levier vont se succéder au hasard, tantôt une boulette, tantôt le jet d’air glacé .Au bout d’un moment, Minet ne saura plus si c’est la carotte ou le bâton qui lui est destiné. Tapi dans un coin de la cage, le poil hérissé, le regard anxieux, sursautant au moindre bruit, le chat s’est transformé en bête angoissée, parfois même agressive, miaulant sans raison. Les chercheurs venaient de comprendre comment fabriquer pour l’expérimentation des chats névrosés et anxieux.

Pour le plaisir, quelques signes extérieurs de manipulation perverse. Je dis bien pour le plaisir car ces traits de caractère sont à ce point récurrents chez les manipulateurs pervers, que ça en devient presque… caricatural !

- Le manipulateur pervers est une machine. Il en a la froideur, la rigidité. Il est glacial, distant et rarement détendu.
- Le manipulateur pervers est réfléchi et ne laisse aucune place à la spontanéité.
- Le manipulateur pervers est calculateur. Il calcule tout, tout le temps.
- Le manipulateur pervers parle beaucoup d’argent. Il est toutefois pingre et profiteur.
- Le manipulateur pervers se trouve beau. Il aime s’admirer et s’extasier sur la perfection de son physique.
- Le manipulateur pervers est jaloux et envieux. Votre supériorité lui est insupportable. Il n’hésite toutefois pas à utiliser la flatterie pour mieux vous manipuler.
- Le manipulateur pervers est moralisateur. C’est un donneur de leçons. Il sait tout, mieux que tout le monde.
- Le manipulateur pervers est atteint de mégalomanie. Il s’invente des projets d’avenir qui, le plus souvent, ne verront jamais le jour.
- Le manipulateur pervers est rarement à la hauteur de ses ambitions.
- Le manipulateur pervers n’a pas de vrais amis.
- Le manipulateur pervers ne supporte pas avoir tort.
- Le manipulateur pervers juge, critique et dévalorise constamment son entourage. Il aime montrer du doigt les faiblesses et les défauts d’autrui. Les membres de sa famille n’échappent pas à la règle [au contraire].
- Le manipulateur pervers est susceptible et ne tolère aucune moquerie. Sous peine de colère.
- Le manipulateur pervers est intransigeant.
- Le manipulateur pervers est un insatisfait chronique.
- Le manipulateur pervers est pessimiste de nature. Il aime toutefois préciser [je cite] qu’il n’est pas un pessimiste mais un optimiste qui a compris. Cela accentue sa soi-disant différence.
- Le manipulateur pervers adore jouer la victime et se faire plaindre. Il souffre en permanence de l’injustice, de la bêtise humaine et du manque de reconnaissance.
- Le manipulateur pervers ment. Et il ment bien.
- Le manipulateur pervers est lâche, peureux et fuit devant ses vrais ennemis.
- Le manipulateur pervers aime faire miroiter, promettre. Sans suite.
- Le manipulateur pervers manie l’art du sarcasme et de l’humour grinçant. Dans un seul but, vous humilier.
- Le manipulateur aime vous blesser par le biais de plaisanteries vulgaires ou déplacées.
- Le manipulateur pervers est très fécal, scato.


Qu’est ce qui peut motiver une femme à se laisser pourrir l’existence par un homme qui n’en vaut pas la peine [voir post précédent] ? Excellente remarque ! Je l’attendais. Et bien, c’est là que réside tout le savoir-faire du manipulateur pervers. Le bougre [malin singe de surcroît] ne se limite pas à déstabiliser l’autre en affichant des comportements contradictoires. Il va un pas plus loin dans la perversité. Pour aliéner sa proie, l’affaiblir et la rendre plus dépendante encore, le manipulateur pervers inverse la situation. Elle lui reproche sa froideur ? Il lui rétorque habilement que c’est à cause de son attitude des derniers jours ! Elle lui fait remarquer qu’il n’est jamais là quand elle a besoin de lui ? Il lui répond qu’elle devrait apprendre à mieux formuler ses demandes ! Elle regrette qu’il ne vienne pas la voir plus souvent ? Il lui reproche de ne pas lui avoir fait sentir qu’il était le bienvenu ! En rejetant systématiquement la faute sur l’autre, le manipulateur pervers installe le doute, la confusion. Un processus d’autodépréciation se met alors en place chez la victime. Lui, pendant ce temps, se délecte. Il observe le naufrage, regarde l’autre s’engluer dans la culpabilité et en tire un plaisir jouissif.

Pour être honnête, ce "Pervertus" commence tout doucettement à m’ennuyer !
C’est vrai finalement… Il y a tellement de gens biens autour de moi que je me demande pourquoi je perds encore mon temps à ressasser ce qui n’est déjà plus qu’un mauvais souvenir.

Vous savez, comme ces restos décevants dans lesquels vous jurez de ne plus jamais remettre les pieds mais dont vous parlez régulièrement pour éviter que d’autres n’expérimentent les mêmes désagréments culinaires.


La question que tous se posent : le manipulateur pervers est-il conscient de son sadisme ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, la réponse est… NON ! Lors de mes nombreuses recherches, j’ai été abasourdie de constater qu’il n’existait aucun témoignage de manipulateurs pervers. Des témoignages de victimes, oui ! Mais de manipulateurs pervers, non. Rien. Nada. Ce n’est pas compliqué : le manipulateur pervers n’a tout simplement pas conscience de sa perversité. Son "truc" ? Rendre l’autre responsable de tout ce qui lui arrive. Pourquoi éprouverait-il des remords à vous détruire, alors que tout est votre faute ! En inversant la situation, en se positionnant comme victime, il se déresponsabilise et échappe ainsi à la culpabilité [le tout, inconsciemment !]. Certains manipulateurs pervers vont même jusqu’à mettre en place ce qu’on appelle un processus de projection : c’est ainsi qu’ils vous reprocheront [en toute sincérité et sans le moindre scrupule] ce qu’ils font eux-mêmes. Vous tromper ou vous mentir, par exemple. Continuons sur notre lancée et allons un pas plus loin dans la perversité : il n’est pas rare que le manipulateur pervers suscite inconsciemment chez l’autre un comportement agressif ou violent afin de pouvoir l’en accuser par la suite et renforcer sa position de victime. Hallucinant !

Comment peut-on être à ce point cruel, insensible, intraitable, glacial ? Cette question, je me la suis posée mille fois. Ca me dépassait complètement. J’ai trouvé la réponse dans les livres. C’est comme si des mots étaient venus se greffer sur des sensations. Comme une impression de "déjà vécu".

Pour éviter de s’émouvoir, le manipulateur pervers vous chosifie, vous réduit à la position d’objet. Vous devenez son jouet. Etiqueté. Catalogué. Vous n’avez plus d’existence en soi. Dans la vie de tous les jours, comme au lit, vous devenez sa chose. Vous êtes niée, annexée, accessoirisée.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si il aime parler de vous à la troisième personne. ELLE/IL.

Un narcisse, au sens du Narcisse d'Ovide, est quelqu'un qui croit se trouver en regardant dans le miroir. Sa vie consiste à chercher son reflet dans le regard des autres. Un Narcisse est une coque vide qui n'a pas d'existence propre. C'est quelqu'un qui n'a jamais été reconnu comme être humain et qui a été obligé de se construire un jeu de miroirs pour se donner l'illusion d'exister. Sa victime n'est pas un individu autre, mais seulement un reflet.

 

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Seizième leçon ! Un petit récap s’impose. Histoire de faire le point sur les quinze leçons précédentes et de repasser en revue les mécanismes récurrents de manipulation perverse. Prenons comme postulat [si vous le permettez] que ELLE est la victime et LUI, le manipulateur pervers* :

- ELLE est pleine de vie… avec toutefois une propension à la culpabilité, à la dépendance et au manque de confiance en soi.
- IL la repère, l’approche et la séduit sous des apparences trompeuses.
- ELLE pense avoir rencontré l’homme idéal et accorde progressivement sa confiance.
- IL attend qu’elle s’engage dans la relation et dévoile alors son vrai visage.
- ELLE découvre un homme froid, distant, méprisant et sarcastique.
- IL alterne les attaques et les marques de gentillesse, de manière à la déstabiliser.
- ELLE perd progressivement tout repère, tout esprit critique.
- IL renforce sa domination en jouant le rôle de victime et en rejetant systématiquement la faute sur elle.
- ELLE doute de ses perceptions et s’englue petit à petit dans la culpabilité.
- IL évite de s’apitoyer en la chosifiant, en la traitant comme un objet.
- ELLE s’affaiblit, s’enlise dans la dépendance et finit par perdre toute estime de soi.
- IL continue [en public] à jouer le rôle du bon gars, celui qu’on apprécie pour sa discrétion, sa gentillesse et sa serviabilité.

Les trois clés de la manipulation perverse ? Facile ! Le doute, la peur et la culpabilité.


* Notez que la manipulation perverse n’est pas l’apanage de la gent masculine. N’ayant toutefois jamais rencontré personnellement de manipulatrices perverses, j’ai préféré limiter mes propos à ce que j’avais moi-même expérimenté.

A ce stade de la relation la victime n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle est comme dévitalisée. Elle vit dans un état de stress chronique et souffre de sérieuses crises d’angoisse [palpitations, impressions d’étouffement, vertiges]. Elle est perdue et s’isole du reste du monde, tout simplement parce qu’elle a honte. Ce point est essentiel et confirme le dénominateur commun à tous les témoignages répertoriés : ELLE SAIT. Depuis le début, la victime de manipulateur pervers SAIT que quelque chose ne va pas. C’est comme une impression, un pressentiment, une intuition. Je peux en parler pour en avoir moi-même fait l’expérience. C’est physique. Inexplicable. Ca se manifeste par des rêves, des actes manqués, des manifestations psychosomatiques [appelés également symptômes de détresse]. C’est comme si tout votre corps émettait un signal d’alarme qui vous était destiné. Un "ATTENTION DANGER" en lettres rouges. La honte [et l’isolement social qui en découle] provient du fait que, malgré ces signaux, vous restez là. A vous faire humilier, à tolérer l’intolérable, à le laisser vous détruire, à culpabiliser, à ramper au moindre signe de douceur. Tout cela alors que, au plus profond de vous-même,VOUS SAVEZ.


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Dans un des trop rares forums consacrés aux manipulateurs pervers, je lisais ces mots d'une dénommée Cigale5 : "Je lui dit qu'il se moque de moi : [lui] Tu es trop negative, pourquoi ne vois tu pas le côté positif des choses ? Tu ne comprends donc pas l'humour ?".

Ahhh, le manipulateur pervers et l'humour. Je pourrais en parler des heures. Mais, mieux que de longs discours, voici des exemples concrets de ce que peut vous sortir un manipulateur pervers... pour ensuite vous reprochez [compte tenu de votre mine déconfite] de ne pas avoir le sens de l'humour !

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Décor : Votre chambre.
Situation : Le lendemain de votre première nuit.

Dans un élan de "tendresse", votre tête cogne son gsm placé près de l'oreiller. Il semblerait que le numéro formé soit celui de sa mère. Gênant. C'est alors qu'il vous lance, en vous regardant droit dans les yeux : "C'est pas grave, si elle me questionne, je lui dirais que je suis allé voir les putes".


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Décor : Un bungalow au bord de l'océan indien.
Situation : Au retour d'un fête sur la plage.

Il fait terriblement chaud. Vous vous couchez sous la moustiquaire. Souriante car, demain, c'est votre 31ème anniversaire. Il se couche à vos côtés. Vous vous plaignez de la chaleur et lui dites vous sentir moite. Son commentaire, avant de vous tourner le dos et de s'endormir : "Moite ? Tiens, il y a quelqu'un qui aurait fait le sale boulot à ma place !".

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Décor : Votre appartement.
Situation : Vos retrouvailles, après une semaine de séparation.

Vous êtes heureuse qu'il soit là [ah cette foutue dépendance !]. Vous remarquez à son doigt un pansement. Il vous fixe et vous lance d'un ton glacial : "Heureusement que tu es réglée ce week-end, sinon je t'aurais fait mal en te mettant un doigt".

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Décor : Une soirée d''anniversaire.
Situation : Tous vos amis sont là. C'est la première fois qu'ils font la connaissance de votre... "moitié".

Un ami homo lance à la cantonade quelques commentaires quant au physique de la serveuse. Vous répondez à cela qu'elle n'est tout de même pas trop mal. C'est le moment choisi par votre délicieuse moitié pour sortir, au nez de vos amis dépités : "Comme dirait un ami, elle est toujours bonne à faire dedans".

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Je vais être honnête avec vous, ces remarques ne m'ont pas fait rire. Du tout. Ce qui est étrange, c'est que [malgré ma mauvaise mémoire] je m'en souvienne encore aujourd'hui, mot pour mot.

Pourquoi est-il si difficile de quitter un manipulateur pervers ? La réponse est simple : parce qu’il ne vous laisse pas partir. En effet, si il y a bien une chose que le manipulateur pervers ne supporte pas, c’est que sa proie lui échappe, se dérobe. Dans ce cas, il fait tout pour la récupérer. Coûte que coûte. Les techniques mises en place sont diaboliques et visent principalement le talon d’Achille de la victime, à savoir la culpabilité et la dépendance*. Il lui dira également qu’il l’aime. Il lui répétera souvent. Il pleurera aussi. Beaucoup. C’est qu’il se sent perdu sans plus personne à dominer, à sadiser, à humilier. A ce propos, insistons sur le fait que, dans tous les cas de figure, c’est la victime qui prend l’initiative de la rupture. Jamais l’inverse. Tout simplement parce que [en bon vampire affectif] le manipulateur pervers a besoin de sa dose d’énergie vitale. Mais aussi parce que l’avantage d’être quitté, c’est qu’on s’attire la sympathie et le soutien de son entourage. Pour réussir à se débarrasser définitivement d’un manipulateur pervers, il faut faire preuve de ténacité, se montrer forte, intransigeante et insensible. Et, croyez-moi, il en faut des tentatives de rupture pour y parvenir.

La dépendance affective ne constituerait pas un problème en soi s’il n’y avait pas ce désir de retourner, malgré soi, vers un objet d’amour insatisfaisant, voire destructeur. Le dépendant affectif s’accroche désespérément à celui ou celle qui a daigné le choisir comme partenaire, sans discerner si ce quelqu’un lui convient réellement. La dépendance est une pathologie du lien. L’objet d’amour n’est pas véritablement le partenaire lui-même, mais la relation. En l’absence de l’objet de son attachement, le dépendant confronte intérieurement une sensation de vide insupportable. Terrifié à l’idée d’être abandonné -répétition d’une sensation déjà vécue douloureusement dans le passé- le dépendant affectif fait n’importe quoi pour éviter la rupture d’une relation.

Le plus étonnant dans toutes ces histoires de manipulateurs pervers [la mienne y compris], c’est la récurrence du scénario. On pourrait presque parler de stéréotype. Ce qui voudrait donc dire que le manipulateur pervers est identifiable, repérable… et [par conséquent] évitable ! Correct. Faut-il encore que les victimes potentielles soient informées quant à l’existence de tels vampires affectifs. Personnellement, je n’avais jamais entendu parler de manipulation perverse jusqu’il y a quelques semaines. Sans l’intervention d’une personne bien intentionnée [une rencontre nécessaire comme aime les appeler Vézina*], je serais sans doute toujours aux côtés de mon tortionnaire, pleurnicheuse, souffreteuse, à me répéter que tout est ma faute… à confondre aveuglément amour et dépendance. C’est cette même personne bien intentionnée qui m’a poussée à écrire et à témoigner. Pour, disait-elle, informer le plus grand nombre.

12 juillet 2012

Comment reconnaître un manipulateur pervers narcissique ?

PN

1. il culpabilise les autres
2. il reporte sa responsabilité sur les autres
3. il ne communique pas clairement ses demandes, besoins, sentiments, opinions
4. il répond très souvent de façon flou
5. il change ses opinions comportements selon les personnes et les situations
6. il invoque des raisons logiques pour déguiser sa demande
7. il fait croire aux autres qu’ils doivent être parfaits qu’ils ne doivent jamais changer d’avis qu’ils doivent tout savoir pour répondre immédiatement aux demandes et aux questions
8. il met en doute les qualités, compétences, la personnalité des autres, il juge, dévalorise.
9. il fait faire passer ses messages par autrui ou par intermédiaire
10. il sème la zizanie et créé la suspision, divise pour mieux régner et provoquer la rupture d’un couple
11. il sait se placer en victime pour qu’on le pleigne ( ils sont très forts pour ça ! )
12. il ignore les demandes
13. il utilise les principes moraux des autres pour assouvir ses besoins
14. il menace de façon déguisé, ou fait du chantage ouvertement
15. il change de sujet au cours d’une conversation
16. il évite l’entretien ou la réunion, ou il s’en échappe
17. il mise sur l’ignorance des autres et fait croire à sa superiorité
18. il ment
19. il prêche le faux pour savoir le vrai
20. il est égocentrique
21. il est jaloux
22. il ne supporte pas la critique et nie les évidences
23. il ne tiend pas compte des droits, des désirs, des besoins des autres
24. il utilise souvent le dernier moment pour demander, ordonner, ou faire agir autrui
25. son discours paraît logique ou cohérent, alors que ses attitudes, actes, mode de vie répondent au shéma opposé
26. il utilise des flatteries pour nous plaire, fait des cadeaux, ou se met soudain au petit soin pour vous
27. il produit un état de malaise ou de sentiment de non liberté : pris au piège
28. il est efficace pour atteindre ses buts au dépends d’autrui
29. il nous fait faire des choses que nous n’aurions probablement pas faite de notre grès.
30. il est constamment l’objet de discussions entre gens qui le connaissent même s’il n’est pas là.
31. il est imbu de sa personne, il sait tout, à tout vu, c'est le meilleur en tout ...
32.il aime le luxe, c'est un vantard qui aime l'argent facile et vit souvent aux crochets des autres ...

En général, le manipulateur "tue" sa victime en toute impunité, voire même avec l'approbation de ses proches, eux-mêmes manipulés ! Le pervers narcissique donne d'ailleurs souvent l'image d'un parfait
équilibre et d'une bonne intégration sociale.

Le pervers ne peut exister que par acte de prédation, en "cassant" quelqu'un. Il est souvent admiré, car ne se remettant jamais en question, il n'a pas d'états-d'âme. Il apparaît ainsi, intouchable et d'une force inouïe. Sa force réside également dans le fait qu'il se persuade et persuade autrui (il connaît toutes les techniques diplomatiques ou manipulatrices), qu'il agit pour le bien de sa victime, ou pour en protéger la collectivité qu'il a en charge. Il fait de lui un assassin au-dessus de tout soupçon et se rend ainsi coupable de crimes parfaits !

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LES MANIPULATEURS DESTRUCTEURS PERVERS NARCISSIQUES
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